La jeune femme de 18 ans a brièvement posé, tout sourire, pour les nombreux journalistes venus l'attendre à l'aéroport international de Toronto, mais elle n'a pas fait de déclaration.
"Elle a fait un très long voyage, elle est épuisée et préfère ne pas répondre aux questions pour le moment", a commenté la chef de la diplomatie canadienne Chrystia Freeland. "Elle est très heureuse d'être dans sa nouvelle maison, même si elle m'a parlé du climat. Je lui ai dit qu'il peut faire plus chaud".
La Saoudienne affirme vouloir fuir les abus psychologiques et physiques de sa famille et se dit en danger dans son pays pour son intention de renoncer à l'islam. Après avoir semblé sur le point de trouver refuge en Australie, l'adolescente s'est finalement vu accorder l'asile par le gouvernement du Premier ministre canadien Justin Trudeau.
"Elle voulait que les Canadiens voient qu'elle était arrivée au Canada", a ajouté Mme Freeland, prenant par l'épaule la jeune femme qui arborait une jupe, une veste de survêtement affichant "Canada", une casquette bleue siglée "HCR" (Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU) et un grand sourire.
La ministre, qui a loué "le courage" de la jeune Saoudienne, n'a pas immédiatement indiqué où précisément l'adolescente allait commencer sa nouvelle vie canadienne.
Lire aussi : Affaire de la Saoudienne Rahaf al-Qunun: la demande d'asile examinée à la vitesse de l'éclair
"Je ne doute pas qu'elle va être prise en charge rapidement d'un point de vue matériel par les autorités canadiennes et les ONG qui vont aussi faire le nécessaire pour qu'elle puisse reprendre les études qu'elle dit avoir interrompues sous la pression de sa famille", a pour sa part expliqué son avocat français, François Zimeray, interrogé par l'AFP.
Tensions entre Ryad et Ottawa
L'arrivée de la jeune femme au Canada marque l'épilogue d'une odyssée internationale qui a attiré l'attention via les réseaux sociaux depuis une semaine. La jeune femme avait rendu sa situation publique en créant un compte Twitter alors qu'elle s'était barricadée dans une chambre d'hôtel à l'aéroport de Bangkok, multipliant messages et vidéos désespérés qui lui avaient valu une notoriété immédiate et planétaire.
Elle avait aussi affirmé à Human Rights Watch qu'elle souhaitait renoncer à l'islam, ce qui la met "sérieusement en danger", souligne l'ONG. Elle avait été arrêtée à son arrivée à Bangkok depuis le Koweït, où elle était arrivée avec sa famille avant de leur faire faux bond.
A la suite d'une mobilisation en sa faveur sur les réseaux sociaux, les autorités thaïlandaises, qui effectuent fréquemment des refoulements à la frontière, avaient renoncé à la renvoyer contre son gré et l'avaient laissée quitter l'aéroport avec des représentants du HCR.
Lire aussi : Une jeune Saoudienne fuit son pays et fait l'impossible pour éviter son renvoi
"Comme l'a dit le Premier ministre (Justin Trudeau), le Canada croit très fort à la défense des droits humains dans le monde, et nous pensons fermement que les droits des femmes sont des droits humains", a insisté Chrystia Freeland.
Vendredi, le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait lui-même confirmé avoir finalement accordé l'asile à la jeune femme.
La décision du Canada risque de raviver la crise diplomatique sans précédent qui mine les relations entre Ryad et Ottawa depuis l'été dernier.
L'Arabie saoudite avait annoncé en août l'expulsion de l'ambassadeur du Canada, rappelé le sien et gelé tout nouveau commerce ou investissement avec le Canada. Cette décision faisait suite à un tweet d'Ottawa, quelques jours plus tôt, appelant à la libération immédiate de militants saoudiens des droits humains arrêtés peu avant, dont Samar Badaoui, soeur du blogueur emprisonné Raef Badaoui, dont la femme et les trois enfants vivent réfugiés au Québec.
L'Arabie saoudite est l'un des pays du monde les plus restrictifs pour les droits des femmes. Elles sont notamment soumises à la tutelle d'un homme (père, mari ou autre) qui exerce sur elles une autorité arbitraire et prend à leur place les décisions importantes.
L'affaire Qunun a pris une dimension particulière après le meurtre début octobre du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul en Turquie.