Les Mossos d'Esquadra, les policiers catalans, ont effectué de nouvelles perquisitions après les auditions mardi des quatre suspects encore en vie, qui ont révélé que les comploteurs, inspirés par un imam marocain, prévoyaient de faire sauter un ou plusieurs monuments en faisant un maximum de victimes.
Mercredi, la justice espagnole a confirmé que cet imam, Abdelbaki Es Satty, avait failli être expulsé d'Espagne mais qu'un juge avait estimé en 2015 qu'il ne constituait pas "une menace réelle et suffisamment grave (...) pour la sécurité publique".
Après avoir purgé une peine de prison pour trafic de drogue en 2014, l'imam était sous le coup d'un arrêté d'expulsion, qui a été annulé au vu de ses "efforts pour s'intégrer", selon un communiqué de la justice, qui corrobore une information du journal El Mundo.
Par ailleurs, la mosquée de Diegem, près de Bruxelles, a refusé en 2016 d'employer l'imam Es Satty en raison de la violence de ses prêches, a déclaré mercredi le maire de la commune.
Es Satty a séjourné de janvier à mars 2016 dans la grande banlieue de Bruxelles, selon les autorités, et il a tenté en vain d'obtenir un emploi d'imam à la mosquée de Diegem.
Après la mort de l'imam dans l'explosion accidentelle de leur laboratoire clandestin le 16 août, les jeunes jihadistes ont décidé d'utiliser des véhicules pour faucher des passants, comme à Nice, Londres et Berlin.
Deux des survivants de la cellule à laquelle la police attribue la préparation des attentats, Mohamed Houli Chemlal, 20 ans, blessé dans l'explosion, et Driss Oukabir, 27 ans, ont été inculpés mardi d'"assassinats terroristes".
Huit autres sont morts, deux dans l'explosion, les autres après avoir massacré 15 personnes au total, jeudi et vendredi derniers.
Ils en ont tué deux à coups de couteau et écrasé 13 autres en lançant dans la foule une camionnette sur les Ramblas de Barcelone, puis une Audi A3 dans la station balnéaire de Cambrils, au sud-ouest de la métropole catalane.
Un troisième suspect, Mohammed Aalla, propriétaire de l'Audi, a été placé en liberté sous contrôle judiciaire, les charges contre lui étant minces.
Le juge a prolongé de trois jours, pour complément d'enquête, la garde à vue du quatrième, Sahl El Karib, qui tenait un taxiphone (boutique d'appels téléphoniques) à Ripoll, petite ville au pied des Pyrénées où vivaient la plupart des suspects.
L'enquête a des prolongements à l'étranger, la plupart des suspects étant marocains et leurs déplacements ayant été signalés en Belgique, en Suisse et en France.
Les enquêteurs français ont déterminé que l'Audi A3 utilisée par les assaillants de Cambrils se trouvait en France les vendredi 11 et samedi 12 août. Ils doivent à présent "déterminer les raisons précises" de ce voyage, a déclaré le procureur François Molins.
Interrogées par l'AFP, les autorités marocaines n'ont pas réagi aux informations de la presse espagnole selon lesquelles plusieurs personnes ont été arrêtées au Maroc.
A Rotterdam, la police néerlandaise enquête sur une camionnette immatriculée en Espagne et contenant des bouteilles de gaz dont elle a arrêté mercredi le conducteur espagnol.
Au même moment, les autorités de Rotterdam ont annulé un concert du groupe rock américain Allah-Las, la police ayant été avertie par son homologue espagnole d'une menace terroriste.
A Barcelone, les autorités ont annoncé mercredi un renforcement des mesures de sécurité, notamment à proximité des sites touristiques comme la basilique de la Sagrada Familia et pendant les matches de football, concerts ou manifestations.
La maire de Barcelone, Ada Colau, critiquée pour ne pas avoir protégé les Ramblas par des bornes anti-intrusion, a annoncé la création d'une commission qui devra déterminer où il conviendrait d'en placer.
Mme Colau et le président de la région de Catalogne, Carles Puigdemont, doivent participer jeudi à une cérémonie religieuse interconfessionnelle en mémoire des victimes.
Quelque 200 musulmans ont défilé mercredi à Grenade, dans le sud-ouest de l'Espagne, pour protester contre le terrorisme, alors que les attentats de Barcelone et de Cambrils ont déclenché une montée des discours anti-islam.
Dans les décombres du laboratoire clandestin, les policiers ont trouvé 120 bonbonnes de gaz, une grande quantité de clous pour servir de mitraille, des détonateurs et au moins 500 litres d'acétone, de l'eau oxygénée et du bicarbonate - des ingrédients du TATP, un explosif artisanal utilisé par l'organisation jihadiste Etat islamique (EI), qui a revendiqué les attentats de Catalogne.
Sous les gravats, la police a aussi découvert un texte manuscrit: "Au nom d'Allah... Brève lettre des soldats de l'Etat islamique sur la terre d'Al-Andalous (désignation de la partie de l'Espagne sous domination musulmane jusqu'en 1492, ndlr) à l'attention des croisés, des haineux, des pécheurs, des corrupteurs...".