Le hameau de 191 habitants --situé à l'est de Jérusalem, près de colonies israéliennes-- et son école sont menacés de destruction, les autorités israéliennes jugeant les constructions illégales.
Les résidents et les organisations de défense des droits de l'Homme soulignent eux que l'obtention par des Palestiniens de permis de construire de la part d'Israël est pratiquement impossible dans ce secteur de Cisjordanie occupée, où l'Etat hébreu contrôle la gestion des affaires civiles.
Comme tous les enfants du hameau, Amani Ali, 11 ans, a donc enfilé une blouse lundi pour s'asseoir dans une salle de classe, en plein mois de juillet.
"On commence l'année scolaire plus tôt, parce que les Israéliens veulent détruire l'école. Alors quand ils viendront pour la démolir, nous serons là", explique-t-elle.
Le 24 mai, la Cour suprême israélienne a donné son feu vert à la démolition du petit hameau planté à flanc de colline, coincé entre l'autoroute, le désert, et deux colonies israéliennes.
Deux recours en justice ont été déposées depuis, suspendant provisoirement l'ordre de démolition, le temps qu'elles soient examinées, avant le 15 août.
"Le fait que les élèves soient à l'école, ça peut empêcher que la décision soit appliquée parce qu'ils vont se rendre compte qu'il y a des cours, de la vie, des gens", estime aussi Ghadir Darsya, qui enseigne à Khan al-Ahmar depuis trois ans.
"Personne ne sait ce qui va se passer", poursuit-elle, triant les livres avec ses collègues, tandis que dans la cour adjacente résonnent des éclats de voix enfantines.
L'école a été construite en 2009 avec le soutien d'ONG et de l'Union européenne. Entièrement bâtie avec des pneus, du sable et de la boue, elle accueille aujourd'hui 170 élèves, de différents villages bédouins, selon la directrice.
"Il y a une cinquantaine de familles, avec beaucoup d'enfants, où vont-ils aller?", s'inquiète Ghadir Darsya.
A Khan al-Ahmar, pas de maisons en ciment, mais des abris de fortune, faits de tôles, de carton, de bois et de toile, à l'image du logement de Raya Jahaline, 50 ans.
La peur au ventre...
"On a peur à chaque instant, la nuit je n'arrive pas à dormir", confie-t-elle, ses petits-enfants jouant sur un grand tapis derrière elle, dans ce qui tient lieu de salon, dépourvu de meubles.
"C'est notre terre, je vis depuis 50 ans ici, je suis née ici, mes enfants se sont mariés ici", ajoute-t-elle.
Le petit hameau est installé depuis 1952, après que les bédouins de la tribu des Jahaline ont été forcés de quitter le Néguev, dans le sud, lors de la création d'Israël en 1948.
L'Etat israélien veut aujourd'hui les réinstaller dans une localité près d'Abou Dis, en Cisjordanie occupée, mais ceux-ci refusent, arguant notamment que l'endroit choisi est situé à proximité d'une décharge, dans une zone urbaine où ils ne pourraient plus faire paître leurs animaux.
Pour Eid Abou Khamis, un porte-parole du village, l'éviction forcée mettrait en péril la viabilité d'un futur Etat palestinien.
"Avec cette décision, ils expulsent tous les bédouins et les remplacent par des colons", coupant de fait en deux la Cisjordanie occupée, en séparant la partie au nord de Jérusalem de celle au sud de la Ville sainte, dit-il à l'AFP.
Des diplomates européens se sont rendus à Khan al-Ahmar début juillet pour exprimer leur opposition à la destruction, et l'UE avait demandé fin mai à Israël de revenir sur sa décision.
Selon l'ONG israélienne B'Tselem, opposée à l'occupation des territoires palestiniens, environ 180 communautés sont menacées d'expulsion en Cisjordanie occupée.
"Cela fait des décennies qu'Israël mène une politique pour essayer d'expulser des Palestiniens de la zone dite +C+ en Cisjordanie", où l'Etat hébreu contrôle la gestion des affaires civiles, explique Amit Gilutz, porte-parole de l'organisation.
"La plupart du temps, il évite de procéder à des transferts physiques forcés", ajoute-t-il, "mais crée des conditions de vie impossibles pour les communautés qui y sont installées, afin qu'elles finissent, si elles partent, par le faire de leur propre chef".