De violentes explosions ont été entendues dans la nuit de vendredi à samedi à Kharkiv, deuxième ville du pays, pilonnée depuis des semaines par l'artillerie russe. Vendredi, ces bombardements ont fait au moins un mort et plusieurs blessés, selon l'administration militaire régionale de Kharkiv.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a reconnu que la situation dans cette région du nord-est, où les forces russes ont recentré leur offensive, était «difficile». «Mais nos militaires obtiennent des succès tactiques», a-t-il affirmé, en dépit de déclarations contraires faites par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
«L'opération militaire spéciale qui a débuté le 24 février se poursuit conformément au plan», assure-t-il ainsi dans un entretien avec l'agence officielle chinoise Chine Nouvelle publié samedi. Et, ajoute-t-il, tous ses objectifs «seront atteints en dépit de l'obstruction de nos adversaires».
Le ministre russe appelle en outre les alliés occidentaux de l'Ukraine à cesser leurs livraisons d'armes. «Si les Etats-Unis et l'OTAN sont vraiment intéressés à résoudre la crise en Ukraine, alors en tout premier lieu, ils devraient se réveiller et cesser d'approvisionner le régime de Kiev en armes et munitions», déclare Lavrov à Chine Nouvelle.
L'aide militaire apportée au gouvernement ukrainien s'est fortement renforcée depuis le début du conflit. Le président américain Joe Biden a en outre demandé cette semaine au Congrès une rallonge budgétaire de 33 milliards de dollars pour encore augmenter ces livraisons d'armes. Et les effets commencent à se voir sur le terrain où les forces russes sont parfois en difficulté.
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C'est notamment le cas à Rouska Lozova, un village repris par les Ukrainiens au nord de Kharkiv, d'où les forces russes pilonnaient, selon eux, la ville. Le village a été libéré après d'intenses combats, et plus de 600 habitants évacués, selon le ministère ukrainien de la Défense.
«Comme l'enfer»«Nous avons eu deux nuits qui ont été effrayantes, comme l'enfer. L'avant-dernière nuit, nous pensions que le ciel brûlait, que tout le village brûlait», a raconté à l'AFP Svitlana Perepilitsa, 23 ans.
«Nous sommes restés dans les sous-sols sans nourriture pendant deux mois, nous mangions ce que nous avions», a expliqué de son côté Sviatoslav, 40 ans, les yeux rougis de fatigue, refusant de donner son nom de famille.
Plus au sud et à l'est, dans la région du Donbass que le Kremlin s'est fixé pour objectif de reprendre entièrement, «les occupants font tout pour détruire toute vie», a affirmé Volodymyr Zelensky, estimant que «les bombardements constants sur les infrastructures et les zones habitées montrent que la Russie veut rendre cette zone inhabitée».
Dans la région de Donetsk et Lougansk, 14 attaques lancées par les forces russes ont été repoussées au cours des dernières 24 heures, a affirmé samedi l'état-major des forces ukrainiennes.
Et pour Washington, l'offensive russe accuse du retard. Selon un haut-responsable du Pentagone, les forces russes «sont loin d'avoir fait la jonction» des troupes entrées par la région de Kharkhiv, au nord du Donbass, avec celles venues du sud du pays, un des objectifs de l'armée russe pour prendre en tenaille les forces ukrainiennes déployées sur la ligne de front autour des zones séparatistes de Donetsk et Lougansk. Mais «nous pensons qu'ils continuent de créer les conditions d'une offensive soutenue, plus vaste et plus longue», a-t-il ajouté.
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Et pour mieux affirmer leur détermination, les forces russes ont clairement assumé vendredi avoir bombardé, la veille, la capitale Kiev, au moment précis où s'y trouvait le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
Ce bombardement a fait dix blessés et au moins un mort: Vira Ghyrytch, journaliste ukrainienne de Radio Liberty, un média financé depuis l'époque de la Guerre froide par le Congrès américain en Europe de l'Est. Le corps de la journaliste a été retrouvé dans les décombres de son immeuble.
L'attaque s'est produite au moment où le chef des Nations unies, qui effectuait mercredi et jeudi son premier déplacement en Ukraine depuis le début de l'invasion russe le 24 février, se trouvait à Kiev.
«Humiliation brutale»L'Allemagne et la France ont vivement condamné, Berlin soulignant que ces frappes montraient une fois de plus «que (Vladimir) Poutine et son régime n'ont aucun respect pour le droit international».
Zelensky a regretté dans une adresse vidéo vendredi soir «qu'une humiliation aussi brutale et délibérée des Nations unies soit restée sans réponse».
Washington a, de son côté, accusé vendredi le président Vladimir Poutine de «dépravation» et de «cruauté» pour la façon dont les forces russes se comportent en Ukraine. «Il est difficile de regarder certaines images et d'imaginer qu'un dirigeant sérieux puisse faire ça», a déclaré le porte-parole du pentagone, John Kirby.
Le secrétaire général de l'ONU est allé jeudi à Boutcha et dans d'autres lieux proches de Kiev, théâtres d'exactions imputées par l'Ukraine aux forces russes, et a exhorté Moscou à «coopérer» avec l'enquête de la Cour pénale internationale sur de possibles crimes de guerre.
Parallèlement, les services de la procureure générale d'Ukraine, Iryna Venediktova, ont révélé que dix soldats russes ont été mis en examen pour des crimes de guerre présumés à Boutcha.
C'est la première mesure de ce type prise depuis que les corps de vingt personnes portant des vêtements civils ont été découverts le 2 avril par l'AFP gisant dans une rue de cette localité, suscitant condamnation et émoi à travers le monde.
Les Ukrainiens ont accusé les Russes, mais Moscou a démenti toute responsabilité et parlé d'une «mise en scène» de Kiev.
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«Plus de 8.000 cas» présumés de crimes de guerre ont au total été identifiés en Ukraine, a affirmé la procureure. Des enquêteurs vont, à cet égard, être envoyés par le Royaume-Uni pour aider leurs confrères ukrainiens, a déclaré vendredi la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss.
A Marioupol, ville portuaire dans le sud de l'Ukraine, une opération d'évacuation était prévue vendredi. La coordinatrice des Nations unies en Ukraine, Osnat Lubrani, avait dit jeudi partir dans le Sud préparer cette nouvelle tentative d'évacuation, Guterres assurant que l'ONU faisait «tout son possible» pour en extraire les civils pris dans «l'apocalypse».
Plusieurs centaines de militaires et de civils ukrainiens sont retranchés dans des galeries souterraines datant de l'époque soviétique dans l'immense complexe métallurgique d'Azovstal.
L'AFP a pu entendre, vendredi matin et jusqu'au milieu de l'après-midi, des bombardements nourris à Azovstal, lors d'un voyage de presse organisé à Marioupol par l'armée russe.
En début d'après-midi, les explosions n'étaient espacées que de quelques secondes, certaines paraissant particulièrement puissantes. Des colonnes de fumée grise s'élevaient parfois dans le ciel de la zone industrielle.
Sur le front diplomatique, alors que le président russe a été invité, comme son homologue ukrainien, au sommet du G20 prévu en novembre en Indonésie, les Etats-Unis ont dit refuser de traiter avec Vladimir Poutine «comme si de rien n'était».