Dmytro Orlov, le maire d'Energodar où se trouve le complexe, a dénoncé par téléphone auprès de l'AFP un «terrorisme nucléaire pur et simple» de la Russie qui «peut se terminer de façon imprévisible à n'importe quel moment».
«Les risques augmentent chaque jour (...) Des tirs de mortier sur la centrale nucléaire sont effectués chaque jour et chaque nuit depuis les villages occupés», a-t-il ajouté. «La situation est grave et le plus préoccupant est qu'il n'y a pas de processus de désescalade», selon l'élu.
Energodar est, comme la centrale, occupée depuis début mars par les troupes russes. Fidèle à Kiev, Dmytro Orlov a trouvé refuge à Zaporijjia, la grande ville de la région.
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Selon lui, Energodar a commencé durant les dernières 24 heures à être bombardée, «ce qui n'était jamais arrivé auparavant» et a tué dimanche un civil de 45 ans.
«Limitez votre présence dans les rues d'Energodar! Nous avons reçu des informations sur de nouvelles provocations de la part des occupants» russes, a indiqué sur Telegram l'agence nucléaire ukrainienne Energoatom. «Selon les témoignages des habitants, des bombardements sont à nouveau en cours en direction de la centrale (...) L'intervalle entre le départ et l'arrivée des tirs est de 3-5 secondes».
«Bien sûr, nous sommes inquiets, car la centrale nucléaire se trouve à proximité», confie Viktor Shabanin, un habitant de 57 ans du village de Vyshchetarasivka, situé sur l'autre rive du Dniepr face à la centrale. «Quand les fenêtres explosent, l'onde expansive va souvent dans notre direction. Donc nous sommes exposés immédiatement aux radiations, qui se propagent aussi dans l’eau».
En fin de journée samedi, les renseignements militaires ukrainiens avaient affirmé que «les occupants (russes) bombardent la centrale (...) depuis le village de Vodiané, situé à proximité immédiate, sur la rive droite du Dniepr», le fleuve qui sépare les zones aux mains des Russes de celles contrôlées par les Ukrainiens.
L'une des frappes a endommagé une unité de pompage et une autre «a entraîné la destruction partielle du service d'incendie responsable de la sécurité de la centrale nucléaire», selon les renseignements ukrainiens, qui ont également accusé les forces russes de «préparer des provocations sous drapeau ukrainien».
«Chantage» nucléaireDe leur côté, les autorités d'occupation installées par la Russie dans les zones conquises dans la région de Zaporijjia ont accusé les forces ukrainiennes d'être à l'origine de ces tirs.
«Energodar et la centrale nucléaire de Zaporijjia sont à nouveau sous le feu des militants (du président ukrainien Volodymyr) Zelensky», a déclaré sur Telegram un membre de l'administration prorusse, Vladimir Rogov.
Les projectiles sont tombés «dans des zones situées sur les berges du Dniepr et dans la centrale», a-t-il affirmé, sans faire état de victime ni de dégâts.
Les premières frappes, le 5 août, avaient notamment touché un transformateur de ligne électrique à haute tension, entraînant l'arrêt automatique du réacteur n°3 de la plus grande centrale nucléaire d'Europe et le démarrage de ses groupes électrogènes de secours.
Samedi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait dénoncé un «chantage russe» autour du site, accusant Moscou d'utiliser la centrale comme base d'attaque pour que l'armée ukrainienne ne puisse pas riposter et demandant «de nouvelles sanctions contre la Russie» afin de «bloquer l'industrie nucléaire russe».
Dans son allocution quotidienne hier, dimanche, il a prévenu ses concitoyens que «dans un futur proche, le parlement d'Ukraine va devoir prendre une décision sur l'extension de la loi martiale et de la mobilisation générale».
Puis, s'adressant à la population russe, il a lancé: «lorsque le mal atteint de telles proportions, le silence des gens est proche de la complicité (...) Si vous avez la citoyenneté russe et que vous restez silencieux, cela signifie que vous ne vous battez pas, ce qui signifie que vous soutenez» la guerre.
DémilitarisationLe bombardement de la centrale fait craindre une catastrophe nucléaire, ce qui a entraîné jeudi une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU.
Les autorités ukrainiennes, soutenues par leurs alliés occidentaux, appellent à la démilitarisation de la zone et au retrait des forces de Moscou.
Dans la région de Kherson (sud), l'Ukraine a affirmé avoir quasiment isolé les troupes russes déployées sur la rive ouest du Dniepr par des bombardements qui ont rendu les trois ponts de la zone impraticables.
«Les seuls moyens de traverser le fleuve pour l'occupant sont des pontons près du pont Antonivski mais ils ne pourront pas totalement répondre à leurs besoins en équipement et en munitions», a déclaré un député régional, Serguiï Khlan.
Les troupes russes se sont emparées le 3 mars de Kherson, sur le fleuve Dniepr, la seule capitale régionale qu'elles ont jusqu'à présent réussi à conquérir.
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Selon le député, «la Russie transfère ses centres de commandement de la rive droite du fleuve vers la gauche, consciente qu'en cas d'escalade, ils ne pourront pas être évacués à temps».
Il a estimé à 20.000 le nombre de soldats russes présents sur la rive droite du fleuve et précisé qu'ils peuvent toujours «traverser les ponts abîmés à pied».
Parallèlement, le premier navire affrété par les Nations unies pour transporter des céréales ukrainiennes a été chargé dimanche de 23.000 tonnes de blé et est prêt à prendre la mer vers l'Ethiopie, a annoncé le ministre ukrainien de l'Infrastructure, Oleksandre Koubrakov.