Volodymyr Moukhovaty, un villageois de 70 ans, vient de voir le corps de son fils extirpé des décombres et craint que son épouse et leur belle-fille ne figurent également parmi les morts. «Mon fils vient d’être sorti, sans tête, sans bras, sans jambes... Il a été reconnu grâce à ses papiers d’identité, son permis de conduire», a raconté à l’AFP cet homme.
«Ma femme et ma belle-fille... Il se peut qu’elles aient été déchiquetées, comment le savoir. Pour l’instant, elles n’ont pas été retrouvées», poursuit Volodymyr, T-shirt noir et cheveux gris coupés très court. Il espère que les deux femmes sont parmi les blessés emportés par les ambulances tout en admettant qu’il y a «peu d’espoir». «Je ne survivrai pas longtemps tout seul», dit-il.
Vers 19H00 (17H00 GMT), à la nuit tombée, des militaires embarquaient dans un camion, un à un, des sacs blancs contenant des corps sans vie. Une vingtaine de ces sacs étaient encore alignée juste devant le petit café entièrement détruit où s’étaient réunies ces personnes.
Moins d’une heure plus tard, les secouristes ont annoncé la fin de leurs opérations sur le site, établissant le bilan définitif à 51 morts dont un enfant né en 2017 et six blessés. Parmi les victimes de la frappe se trouvent la femme et le fils du soldat ukrainien mort au combat dont étaient célébrées les funérailles, selon un porte-parole du Parquet régional cité par l’agence de presse Interfax-Ukraine.
«Crimes de guerre»
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en Espagne pour une réunion avec des dirigeants européens, a dénoncé une «attaque terroriste inhumaine» contre cette localité située dans la région de Kharkiv, près de Koupiansk, ville à proximité de la ligne de front qui est régulièrement la cible de frappes russes.
«Il n’est possible de protéger les gens contre de telles attaques (...) qu’à l’aide de la défense antiaérienne», a ajouté M. Zelensky qui a évoqué la livraison à l’Ukraine d’un nouveau système américain Patriot. «Nous aurons plus de défense antiaérienne (...) Espagne, Italie, France, Allemagne, Grande- Bretagne - merci!», a-t-il ensuite insisté dans la soirée.
Berlin fera «tout son possible» pour que «l’Ukraine puisse se protéger de la terreur des missiles de Poutine», a réagi la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock sur X (ex-Twitter).
Concert de condamnations
«Nous devons continuer à soutenir le peuple ukrainien parce que c’est l’effroyable réalité dans laquelle il vit» au quotidien, a commenté la porte-parole de la Maison Blanche Karine Jean-Pierre, au moment où le président Joe Biden essaie d’obtenir du Congrès des fonds supplémentaires pour aider Kiev.
La diplomatie française a condamné avec «la plus grande fermeté» la frappe de Moscou, ajoutant dans un communiqué qu’«en ciblant à dessein la population civile ukrainienne, la Russie se rend de nouveau coupable d’atrocités constitutives de crimes de guerre».
Un missile balistique
Le bombardement de Groza a été effectué avec un missile balistique Iskander, selon les données préliminaires, et a entièrement détruit un magasin et un café situé dans le même bâtiment au moment où une soixantaine de personnes s’y trouvaient, a décrit le ministre de l’Intérieur Igor Klymenko à la télévision nationale.
«Il y avait des villageois dans le magasin et des villageois dans le café étaient également réunis» pour une réception organisée après l’enterrement d’un des leurs, a dit M. Klymenko, précisant que Groza comptait 330 habitants.
L’attaque a eu lieu autour de 13H15 locales, a raconté le gouverneur régional Oleg Synegoubov, qui a dénoncé l’attaque la plus meurtrière dans la région de Kharkiv, depuis le début de l’invasion russe en 2022 et y a décrété trois jours de deuil.