"Son souci n'était pas que les musulmans puissent créer un Etat, son souci était de les faire entièrement disparaître", a déclaré le procureur Alan Tieger à La Haye.
Alors que son procès entre dans sa dernière semaine au terme de procédures entamées en 2012, Ratko Mladic, 74 ans, est accusé d'avoir entrepris le "nettoyage ethnique" d'une partie de la Bosnie, en vue de créer un État serbe ethniquement pur.
Il doit répondre de onze chefs d'accusation de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis lors de la guerre de Bosnie (1992-1995), qui a fait plus de 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés.
"Municipalité après municipalité, la campagne de nettoyage ethnique a déchiré des familles et communautés non serbes", a déclaré le représentant de l'accusation Arthur Traldi, "laissant derrière elle des mosquées et des églises catholiques détruites, des villages croates et musulmans incendiés et des fosses communes emplies de victimes".
Il a souligné "qu'un grand nombre de ceux qui n'avaient pas été tués ou n'avaient pas fui se blotissaient dans des camps, terrifiés, attendant de voir quels détenus seraient les prochains à être brutalisés".
Ratko Mladic était alors "aux commandes" des forces serbo-bosniaques qui "ont commis un schéma constant de crimes", d'après le réquisitoire qui doit se tenir durant trois jours avant la plaidoirie de la défense vendredi.
Pour M. Tieger, c'était Mladic "qui était aux commandes, qui menait la danse", même s'il tente désormais de "se soustraire à la responsabilité de ce dont il s'était autrefois vanté".
L'ancien chef militaire "s'était attribué le mérite" d'un plan stratégique qui avait "radicalement altéré l'image démographique des sections de Bosnie revendiquées par les Serbes de Bosnie", a-t-il précisé.
Alors que les combats ont été d'abord menés en Croatie, puis en Bosnie, "Ratko Mladic était une figure-clé dans cette descente aux enfers", a souligné le procureur.
Costume gris clair et cravate aux motifs bleus et blancs, Ratko Mladic, l'air maussade, a fixé pendant un long moment le public assis dans la tribune avant de détourner le regard pour lire quelques documents.
Ratko Mladic doit notamment répondre du siège de Sarajevo, long de 44 mois et au cours duquel 10.000 civils avaient été tués, fauchés par des tirs de mortiers effectués des hauteurs qui entourent la ville ou cibles de tirs de snipers.
Accusé de la prise en otage de personnel des Nations unies, Ratko Mladic est également poursuivi pour le massacre d'hommes et de de garçons musulmans en juillet 1995 à Srebrenica, le pire massacre commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
"En très peu de temps, plus de 7.000 hommes et garcons de Srebrenica, parfois âgés de 12 ans, ont été systématiquement tués et le reste de la population expulsée", a rapporté M. Tieger.
Les familles des victimes attendent avec inquiétude l'issue de ce procès dont le jugement ne sera pas rendu avant le courant de l'année 2017.
Munira Subasic, présidente de l'association des mères de Srebrenica, a assisté au procès lundi, jour qui aurait marqué le 42ème anniversaire de son fils, tué en 1995.
Elle a exprimé l'espoir que Ratko Mladic écopera à terme de la prison à perpétuité alors que l'alter ego politique de M. Mladic, Radovan Karadzic, s'était vu récemment condamner à quarante ans de détention.
Le procès contre Ratko Mladic est le dernier pour le TPIY, créé au coeur de la guerre en 1993 par les Nations unies pour traduire devant la justice les auteurs des pires atrocités commises pendant les conflits qui déchirèrent l'ex-Yougoslavie.
Inculpé en juillet 1995, il avait échappé pendant seize ans à la justice internationale avant d'être arrêté dans la maison d'un membre de sa famille en Serbie, le 26 mai 2011.