À l’issue d’une offensive de 11 jours, une coalition rebelle dominée par le groupe islamiste sunnite Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a renversé dimanche le pouvoir de Bachar al- Assad, qui a fui en Russie. Face aux défis politiques, sociaux et sécuritaires auxquels le pays multiethnique, multiconfessionnel et morcelé doit faire face, les nouvelles autorités tentent de rassurer en interne et à l’international.
La Syrie sera au coeur des discussions des chefs d’État ou de gouvernement des pays du G7, qui doivent se réunir ce vendredi en visioconférence. À Rome, le G7 s’est dit prêt à soutenir une transition vers un gouvernement «inclusif et non sectaire» respectant les droits des femmes et «les minorités religieuses et ethniques».
Après une visite du secrétaire d’État américain Antony Blinken, la Jordanie a annoncé la tenue samedi d’un sommet consacré à la Syrie, réunissant ministres et haut-diplomates américains, européens, arabes et turcs. Antony Blinken s’est ensuite entretenu à Ankara avec le président Recep Tayyip Erdogan, dont le pays soutient des forces rebelles luttant contre le contrôle kurde dans le Nord-est syrien.
Combats entre proturcs et prokurdes
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit «très préoccupé» par les «violations importantes» de la souveraineté et de l’intégrité territoriale syrienne, et par les frappes israéliennes, a fait savoir son porte-parole, alors que l’armée israélienne est entrée dans la zone tampon à la lisière de la partie du plateau du Golan occupée et annexée par Israël.
Avant une trêve mercredi, des combats ont par ailleurs opposé des combattants proturcs aux forces prokurdes dans le nord syrien. Les Forces démocratiques syriennes, FDS, dominées par les Kurdes et soutenues par les États-Unis, contrôlent de vastes régions du nord-est. L’administration autonome kurde a annoncé plus tôt troquer le drapeau kurde pour les nouvelles couleurs flottant sur Damas.
Le nouveau gouvernement syrien entend instituer «un État de droit», a affirmé un porte-parole, Obaida Arnaout, qui a indiqué que les autorités vont «geler la Constitution et le Parlement» en vue d’amender la Constitution.
Le Premier ministre de transition, Mohammad al-Bachir, a appelé mercredi les Syriens exilés à rentrer. Quelque six millions de Syriens, soit un quart de la population, ont fui le pays depuis 2011, après le déclenchement de la guerre civile, qui a fait plus d’un demi-million de morts.
L’agence humanitaire des Nations unies (Ocha) a déclaré jeudi que 1,1 million de personnes, principalement des femmes et des enfants, avaient été déplacées depuis que les rebelles ont lancé leur offensive le 27 novembre.
«Sortis à la lumière»
À Damas, la vie a repris son cours. «On a l’impression que nous étions tous des prisonniers sous terre, désormais sortis à la lumière du jour», confie un habitant de 38 ans, Razan al-Halabi. Des anciens militants du parti Baas remettent leurs armes dans des permanences de cette formation, pilier pendant un demi-siècle du pouvoir déchu, au lendemain de la suspension de ses activités.
Les nouvelles autorités ont annoncé la reprise des activités de la chancellerie italienne et de missions diplomatiques de sept pays arabes. La Turquie a nommé un nouveau chef de mission pour son ambassade à Damas, fermée de longue date.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a de son côté lancé un appel urgent à des crédits de 250 millions de dollars pour fournir «une aide alimentaire à jusqu’à 2,8 millions de personnes déplacées et vulnérables» dans le pays.
«Barbarie inimaginable»
De nombreux Syriens mènent aussi une douloureuse quête de proches disparus lors des décennies de féroce répression. L’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a demandé la libération immédiate des «innombrables» personnes encore arbitrairement détenues, dénonçant la «barbarie inimaginable» endurée par le pays.
La Commission d’enquête des Nations unies sur la Syrie a indiqué à l’AFP avoir établi des listes de milliers d’auteurs de crimes graves en Syrie. Ancien chef de la prison d’Adra à Damas entre 2005 et 2008, Samir Ousman Alsheikh, déjà emprisonné aux États-Unis, a été inculpé jeudi pour torture. Il est accusé par Washington d’avoir infligé de «graves douleurs physiques et mentales» à des détenus, ou d’en avoir donné l’ordre.