Le chef du gouvernement syrien à Damas, Mohamed al-Jalali, s’est dit prêt à coopérer avec les nouveaux dirigeants. «Ce pays peut être un pays normal, construisant de bonnes relations avec ses voisins et avec le monde (...) mais cette question sera du ressort de tout leadership que choisira le peuple syrien, et nous sommes prêts à la coopération et à lui apporter toutes les facilités possibles», a-t-il indiqué dans une vidéo publiée sur son compte Facebook.
Les rebelles menés par des islamistes radicaux ont annoncé être entrés dimanche dans la capitale Damas après une offensive fulgurante en Syrie, faisant fuir selon eux le président Bachar al-Assad et mettant fin à cinq décennies de règne du parti Baas.
Des habitants de Damas ont déclaré à l’AFP avoir entendu des tirs nourris. «Le tyran Bachar al-Assad a pris la fuite» et «nous proclamons la ville de Damas libre», ont annoncé des groupes rebelles dans des messages partagés sur l’application Telegram.
«Assad a quitté la Syrie via l’aéroport international de Damas avant que les membres des forces armées et de sécurité ne quittent» le site, a indiqué à l’AFP le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane.
L’AFP n’était pas en mesure dans l’immédiat de confirmer de source officielle où se trouve le président qui a dirigé d’une main de fer la Syrie pendant vingt-quatre ans, réprimant en 2011 dans le sang une rébellion qui s’est transformée en guerre civile, l’une des plus violentes du 21ème siècle.
Offensive fulgurante
De son côté, le commandant de Hayat Tahrir al-Sham, HTS, qui dirige l’offensive des rebelles ayant pénétré dans la capitale syrienne, a appelé ses combattants à ne pas s’approcher des institutions publiques à Damas, qui restent sous contrôle de l’ex-premier ministre jusqu’à une «passation officielle».
Prenant de court le pouvoir de Bachar al-Assad et la communauté internationale, HTS et plusieurs groupes rebelles alliés ont lancé le 27 novembre une offensive fulgurante qui leur a permis en quelques jours seulement de prendre le contrôle de plusieurs métropoles, d’abord Alep (nord), puis Hama et Homs dans le centre.
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Les provinces dans l’Est et le Sud, notamment Deraa, berceau de la «révolution» de 2011, sont tombées aux mains des rebelles quand des combattants locaux ont pris le contrôle sur le terrain, à la faveur d’un retrait des forces du régime.
Le président Biden aux premières loges pour suivre les événements
Le président américain Joe Biden suit attentivement «les événements extraordinaires» en cours en Syrie où les rebelles revendiquent la prise de Damas et assurent que le président Bachar al-Assad a pris la fuite, a indiqué la Maison Blanche dans la nuit de samedi à dimanche.
«Le président Biden et son équipe suivent attentivement les événements extraordinaires en Syrie et sont en contact permanent avec nos contacts régionaux», a indiqué le porte-parole du Conseil national américain de sécurité Sean Savett sur les réseaux sociaux.
Les groupes rebelles entrés à Damas ont annoncé la «fuite» du «tyran» Bachar al-Assad, appelant les Syriens exilés à l’étranger à rentrer dans une «Syrie libre» et proclamant «Damas libre de la tyrannie».
«Après 50 ans d’oppression sous le pouvoir du (parti) Baas, et 13 années de crimes, de tyrannie et de déplacements (forcés), (...) nous annonçons aujourd’hui la fin de cette période sombre et le début d’une nouvelle ère pour la Syrie», indiquent des messages partagés par la coalition rebelle sur l’application Telegram.
L’observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a confirmé que le président Assad, au pouvoir depuis vingt-quatre ans, avait «quitté la Syrie via l’aéroport de Damas, avant le retrait des membres des forces armées et de sécurité» du site.
Fin d’une «ère sombre»
«Nos forces ont commencé à entrer dans Damas», avait déclaré peu avant le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), à la tête d’une coalition de rebelles soutenus par la Turquie.
Le chef de HTS a appelé ses combattants à ne pas s’approcher des institutions publiques, ajoutant que celles-ci restaient sous contrôle du premier ministre jusqu’à la «passation officielle».
Selon des sources de l’OSDH, l’ordre a été donné aux officiers et aux soldats des forces gouvernementales de se retirer de l’aéroport international de Damas.
Les rebelles ont aussitôt annoncé avoir pris la prison de Sednaya à Damas, symbole des pires exactions des forces du président Assad, et libéré les détenus de cet établissement.
Le Hezbollah libanais, soutien clé du pouvoir de Bachar al-Assad, a retiré parallèlement ses forces de la périphérie de Damas et de la région de Homs (ouest de la Syrie), selon l’OSDH.
Le mouvement islamiste libanais «a demandé ces dernières heures à ses combattants de se retirer de la région de Homs, certains se dirigeant vers Lattaquié (côte ouest de la Syrie, ndlr) et d’autres vers la région du Hermel au Liban», a indiqué l’ONG à l’AFP, précisant que «les combattants du Hezbollah avaient également quitté leurs positions autour de Damas».
Avancée spectaculaire
La coalition de groupes rebelles menée par HTS, un groupe issus de l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, a effectué en une dizaine de jours une avancée particulièrement spectaculaire, capturant les grandes villes d’Alep et Hama avant d’annoncer dans la nuit de mardi à mercredi avoir pris le contrôle de Homs, troisième ville du pays, et être entrée dans la capitale Damas.
Elle a notamment profité du retrait de plusieurs régions des forces gouvernementales face à l’offensive qu’elle a lancée à la surprise générale le 27 novembre à partir de la province d’Idleb, son fief dans le nord-ouest syrien, malgré des raids aériens menés avec l’allié du régime, la Russie, et des opérations au sol contre les secteurs insurgés.
Au sud de la capitale, près de la frontière jordanienne, les troupes gouvernementales ont également perdu le contrôle de la ville de Deraa, berceau du soulèvement de 2011, au profit de forces locales, selon l’OSDH.
Sur un autre front, dans la province de Deir Ezzor (est), les forces gouvernementales se sont retirées de territoires sous leur contrôle et les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes s’y sont déployées.
Avec l’appui militaire de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah, le pouvoir dirigé par Assad avait repris en 2015 une grande partie du pays et en 2016 la totalité d’Alep, dont la partie est avait été prise en 2012 par les rebelles.
Un cessez-le-feu instauré en 2020, parrainé par Ankara et Moscou, avait ramené un calme précaire dans le nord-ouest.