Scandale de la farine subventionnée: retraits de licence et soupçons de fraude

Siège de l'Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires (ONSSA) à Rabat

Revue de presse Le parquet général de Rabat a ordonné l’ouverture d’une enquête après les déclarations d’un député accusant certaines minoteries de mélanger du papier à la farine. Si l’élu affirme aujourd’hui qu’il s’agissait d’une expression imagée, les révélations de l’Office national de sécurité sanitaire (ONSSA) disent autre chose. Cette revue de presse est tirée d’un article d’Al Akhbar.

Le 30/10/2025 à 19h17

Le parquet général près la Cour d’appel de Rabat a ouvert une enquête judiciaire à la suite des déclarations explosives du président du groupe parlementaire du Parti authenticité et modernité (PAM), Ahmed Touizi, qui avait accusé certaines minoteries de «moudre du papier avec la farine». Le procureur général du Roi a chargé la Brigade nationale de la police judiciaire de mener les investigations nécessaires et d’entendre toutes les parties concernées par ce qu’il a qualifié de «scandale», indique le quotidien Al Akhbar dans son édition du vendredi 31 octobre.

Les propos de Touizi ont été tenus lors de la discussion du projet de loi de finances 2026 à la Chambre des représentants. Le député avait mis en doute la qualité de la farine subventionnée par l’État et affirmé que certaines minoteries bénéficiaient indûment de plus de 16 milliards de dirhams d’aides publiques.

Face au tollé provoqué, il est revenu sur ses déclarations, expliquant que l’expression «moudre du papier» n’avait rien de littéral, précise Al Akhbar. Elle renvoyait, selon lui, à la falsification de documents ou de factures pour obtenir des subventions, sans rapport avec un mélange réel de substances non alimentaires à la farine.

Malgré ce rétropédalage, l’affaire a mis en lumière un secteur déjà sous tension. Citant l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), Al Akhbar confirme l’existence d’irrégularités dans certaines minoteries. L’organisme a retiré neuf autorisations sanitaires et suspendu quatre autres au cours de l’année, en raison du non-respect des normes d’hygiène et de qualité. En 2024, 710 échantillons de farine ont été prélevés dans les minoteries, les marchés et les points de vente, entraînant la saisie et la destruction de 38 tonnes de produits impropres à la consommation. Sur la période allant de janvier à septembre 2025, 577 échantillons ont été analysés, 33 tonnes détruites et 60 dossiers transmis aux autorités compétentes.

L’ONSSA affirme contrôler régulièrement les minoteries agréées: 191 autorisations sanitaires ont été délivrées jusqu’en 2025 après vérification du respect des normes d’hygiène, de sécurité et d’étiquetage. L’office a mené 212 inspections sur deux ans et met en œuvre un programme annuel de contrôle incluant des analyses destinées à détecter d’éventuelles contaminations par des toxines ou des métaux, ainsi qu’à vérifier les niveaux de fer, de protéines, d’humidité et d’acidité dans la farine. Ces contrôles se prolongent sur le terrain, dans les points de vente, à travers les commissions mixtes locales.

Parallèlement, ajoute Al Akhbar, des témoignages d’acteurs du secteur évoquent des détournements dans la distribution de la farine subventionnée, censée bénéficier aux foyers modestes. Une partie de ce produit subventionné serait revendue à prix libre, parfois jusqu’à 160 dirhams le sac de 50 kilos, alors que son prix officiel est fixé à 100 dirhams. Le tarif subventionné de 2,20 dirhams le kilo, fixé par l’État, serait introuvable sur le marché en raison de la complicité entre certains commerçants et propriétaires de minoteries. Des «lots fantômes» seraient déclarés sur le papier pour bénéficier du soutien public, tandis que la farine est écoulée au prix du marché, voire stockée clandestinement pour alimenter la spéculation.

Les plaintes des consommateurs se sont multipliées dans plusieurs régions, dénonçant la mauvaise qualité de la farine distribuée. Certains habitants auraient même retourné les sacs achetés, jugeant le produit inutilisable. Des analyses de laboratoire effectuées sur 80 sacs scellés dès la production, ont révélé des anomalies, dont des taux de minéralisation excessif, rejet au tamis non conforme et teneur en fer inférieure au seuil légal. Ces résultats indiquent que la farine dite «nationale de blé tendre renforcée» ne répondait pas aux standards imposés par la réglementation marocaine, lit-on.

Face à la polémique, Moulay Abdelkader Alaoui, président de la Fédération nationale de la minoterie, a tenté de calmer le jeu. Il a qualifié les propos du député de «coup de com’» et d’«erreur grave». Selon lui, le chiffre de 16,8 milliards de dirhams évoqué par Touizi «défie la logique», puisqu’il correspondrait à environ 60 millions de quintaux de blé tendre, à raison de 270 dirhams le quintal. Il estime que le parlementaire faisait probablement référence à la compensation entre le prix d’importation et celui de vente aux minoteries, un mécanisme de soutien qui, rappelle-t-il, a été suspendu depuis mai dernier en raison de la stabilisation des prix mondiaux. «Les minoteries ne bénéficient pas directement de ce soutien», a-t-il insisté, précisant que ce sont les importateurs qui en profitent, l’État prenant à sa charge la différence.

Par La Rédaction
Le 30/10/2025 à 19h17