Déchirements du Brexit, gestion brouillonne de la pandémie de Covid, envolée des prix et augmentation de la pauvreté, hôpital public à bout de souffle, valse des Premiers ministres… Au Royaume-Uni, la succession des crises depuis 2010 a suscité une aspiration au changement telle que les conservateurs avouaient ces derniers jours se battre non pour gagner les législatives de ce jeudi 4 juillet, mais seulement pour limiter la majorité promise au Labour.
Sauf improbable coup de théâtre, c’est donc Keir Starmer, austère ancien avocat spécialiste des droits humains de 61 ans, qui sera chargé vendredi par le roi Charles III de former un gouvernement, après avoir ramené son parti au centre-gauche et promis le retour du «sérieux» au pouvoir.
«Le Royaume-Uni peut aujourd’hui ouvrir un nouveau chapitre. Une nouvelle ère d’espoir et d’opportunités après 14 ans de chaos et de déclin», a assuré avant l’ouverture du vote ce député entré en politique il y a seulement neuf ans, exhortant les Britanniques à aller voter.
Majorité historique?
Quelque 46 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour renouveler les 650 sièges de la Chambre des Communes. Chaque député est élu par un scrutin uninominal à un tour, ce qui favorise les grands partis. Les bureaux de vote seront ouverts de 07H à 22H locales (6H à 21H GMT). Les premiers sondages donneront une idée du résultat dès la clôture, avant que les résultats ne tombent jusqu’au petit matin.
Quelle sera l’ampleur de la victoire travailliste et de la défaite du Premier ministre Rishi Sunak, incapable de créer une quelconque dynamique après 20 mois en poste? Comment va se traduire dans les urnes la percée du parti anti-immigration Reform UK, porté par l’ancien champion du Brexit Nigel Farage?
Dans les sondages, les travaillistes caracolent à 40% en moyenne des intentions de vote contre 22% pour les conservateurs, 16% pour Reform UK et 10% pour les libéraux-démocrates (centristes). Selon la dernière projection en sièges de l’institut YouGov, cela se traduirait par 431 députés pour le Labour contre 102 aux Tories -une majorité sans précédent au Royaume-Uni depuis 1832. Les Lib-Dem remporteraient 78 sièges et Reform trois, permettant à Nigel Farage d’entrer au Parlement après 7 tentatives infructueuses.
Pour Rishi Sunak, cinquième Premier ministre conservateur en 14 ans, qui a tenté de prendre l’initiative fin mai en convoquant les électeurs en juillet sans attendre l’automne comme prévu, ces élections marquent la fin d’une campagne qui a tourné au chemin de croix.
L’ancien banquier d’affaires et ministre des Finances de 44 ans a accumulé les gaffes et semblé manquer de sens politique. Sa stratégie a consisté surtout à accuser les travaillistes de vouloir augmenter les impôts, puis ces derniers jours à avertir des risques d’une «super majorité» qui laisserait le Labour sans contre-pouvoir, admettant de facto sa défaite.
En face, Keir Starmer a mis en avant ses origines modestes -mère infirmière et père outilleur, contrastant avec son adversaire multimillionnaire. Pour couper l’herbe sous le pied des attaques de la droite, il a promis une gestion des dépenses publiques très rigoureuse, sans augmentation d’impôts.
Il compte sur une stabilité retrouvée, des interventions de l’État et des investissements dans les infrastructures pour relancer la croissance, ce qui doit permettre de redresser des services publics en déclin depuis le début des années 2010. Mais il a déjà prévenu ne pas avoir de «baguette magique» et les Britanniques se montrent, dans les sondages, sans illusions sur les perspectives de changement.