Mobilisation des électeurs, percée des nationalistes, l’avenir des indépendantistes écossais, le comme-back des libéraux... Une victoire des travaillistes semble acquise aux législatives du 4 juillet au Royaume-Uni, mais le scrutin comporte d’autres enjeux majeurs pour l’avenir politique du pays.
Électeurs mobilisés ou déjà blasés?
Avec une élection qui semble jouée d’avance et un Labour déterminé à ne prendre aucun risque, la campagne n’a pas déchaîné les passions. Et si les Britanniques aspirent à un changement après 14 ans de gouvernement conservateur, c’est sans illusions ni enthousiasme démesuré qu’ils s’apprêtent à accueillir cette nouvelle majorité. Les travaillistes ont d’ailleurs déjà averti qu’ils n’auraient pas de «baguette magique» pour transformer le pays.
Face à ce constat, les électeurs vont-ils se déplacer jeudi? Les dirigeants du Labour n’ont pas caché leur inquiétude, d’autant que des dizaines de sièges se jouent dans un mouchoir de poche. La participation (qui était de 67,3% en 2019) apportera un indicateur de la défiance des Britanniques pour leur classe politique.
Triomphe ou douche froide pour Farage?
Rare surprise de cette campagne: Nigel Farage, champion du Brexit en 2016 devenu depuis la figure de la droite dure anti-immigration et anti-système sur les plateaux télévisés, a fini par se lancer dans la course à la tête du parti Reform UK.
La gouaille de l’ancien trader et député européen de 60 ans permettra-t-elle à sa formation d’accéder au Parlement? Malgré sa montée dans les sondages, le mode de scrutin à un tour rend la tâche difficile. Si sa huitième tentative d’entrer au palais de Westminster est la bonne, Nigel Farage, apprécié de l’ancien président américain Donald Trump, disposera d’une visibilité inédite.
S’il échoue, les voix en faveur de Reform UK (crédité de 16% dans les derniers sondages) seront déterminantes pour départager Labour et Tories dans de nombreuses circonscriptions.
Des Tories balayés?
Que restera-t-il du parti de Margaret Thatcher et Boris Johnson le 5 juillet? Plusieurs sondages s’attendent à un nombre de députés historiquement bas depuis sa création en 1834, et même inférieur aux 141 députés de 1906.
Les médias britanniques spéculent déjà sur la succession du Premier ministre Rishi Sunak à la tête des Tories. Reste à voir quelles personnalités sauveront leur siège de député et quelle orientation prendra ce parti, centriste sous David Cameron (2010-2015) puis dérivant depuis vers la droite. En cas de succès de Reform UK, certains Tories ne verraient pas une alliance d’un mauvais oeil, d’autres s’y refusent bruyamment.
En Écosse, les indépendantistes affaiblis?
Rien ne va plus pour le Scottish National Party (SNP), qui domine la vie politique locale depuis une quinzaine d’années. La démission surprise de la charismatique ex-Première ministre Nicola Sturgeon en 2023 l’a déstabilisé, et son successeur n’a tenu qu’un an. Le parti de gauche est toujours visé par une enquête sur son financement et dépourvu de stratégie pour obtenir l’indépendance, combat un temps relancé par le Brexit mais bloqué par Londres.
Le Premier ministre John Swinney assure que gagner la majorité des 59 circonscriptions écossaises le rendrait légitime pour lancer de nouvelles négociations sur un nouveau référendum avec un gouvernement travailliste à Londres. Le SNP détient actuellement 43 sièges. Mais le Labour semble bien parti pour profiter de son élan national pour reconquérir ce territoire, qui lui était acquis jusqu’en 2010.
Le retour des Lib-Dem ?
Glissant sur un toboggan géant, dégringolant d’un paddle, répondant à une interview dans un manège ou sautant à l’élastique, le centriste Ed Davey a donné de sa personne pendant une campagne décalée. Il a assumé amuser la galerie pour faire exister son parti libéral-démocrate face au duel Starmer/Sunak, dont les campagnes n’ont pas brillé par leur éclat, et mettre en avant des thèmes tels que la pollution des rivières ou la santé mentale des Britanniques.
Les Lib-Dem sont crédités d’environ 11% des votes dans les sondages et leur implantation dans le sud de l’Angleterre leur fait espérer obtenir entre 50 et 60 sièges, contre 11 en 2019. Un niveau comparable à leur percée de 2010, quand ils avaient gouverné avec les conservateurs.