Le régime algérien a beau s’en cacher, imposant une véritable chape de plomb sur la scène politique et sur la société civile, ses manœuvres n’en sont que plus grossières et les scandales plus grands. Dans une énième dénonciation des graves atteintes aux droits de l’Homme et aux libertés publiques, ils sont ainsi plusieurs eurodéputés à monter au créneau pour alerter contre un «système» de plus en plus sourd à sa propre société, se réfugiant derrière une gestion dictatoriale pour fuir ses responsabilités et réprimant sans ménagement et sans distinction toutes les voix dissonantes.
Dans une lettre adressée le 10 novembre dernier au vice-président de la Commission européenne et haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, missive qui ne cesse depuis de générer adhésions et signatures, des députés européens de divers groupes parlementaires, des libéraux à l’extrême gauche en passant par les socialistes, dénoncent ce qu’ils considèrent comme une grave crise des droits humains en Algérie.
Cinquième du genre en moins d’un an, le message exprime une condamnation ferme «des tactiques répressives du régime algérien», mettant en évidence l’élimination systématique de la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Le texte cite à titre d’exemple la dissolution de plus de 20 organisations de droits humains, la fermeture de plusieurs médias indépendants et la détention arbitraire de journalistes et d’activistes politiques, illustrant une violation flagrante des libertés civiles.
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Ihsane El Kadi, journaliste algérien réputé, a, à titre d’illustration, écopé en avril dernier de cinq ans de prison pour ses articles critiquant les autorités. Cas grotesque, en octobre 2022, un tribunal d’Alger a condamné à mort le journaliste Abdou Semmar, directeur du média en ligne Algérie Part, pour des accusations d’espionnage et pour… diffusion de fausses informations. Le mardi 7 novembre, l’opposante franco-algérienne et figure du Hirak, Amira Bouraoui, médecin de formation, a été condamnée par contumace à 10 ans de prison par le tribunal de Constantine, en Algérie. Elle était jugée pour «sortie illégale du territoire» après avoir franchi la frontière avec la Tunisie en février. Et ce ne sont là que des exemples parmi tant d’autres.
Ainsi, les autorités algériennes ont dissous la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), la plus ancienne organisation de défense des droits humains en Algérie, ainsi que le Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), une association de premier plan. Au moins deux partis politiques– le Parti socialiste des travailleurs (PST) et le Mouvement démocratique et social (MDS) – ont été suspendus, et deux médias indépendants, Radio M et Maghreb Émergent, ont été fermés, réduisant toujours davantage au silence les voix qui dérangent.
La missive des eurodéputés s’ajoute à une série d’initiatives entreprises cette année par le Parlement européen, dont une résolution ferme de condamnation émise en mai dernier, soulignant la préoccupation pour la détérioration continue des droits humains en Algérie.
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Les élus européens considèrent que l’escalade de répression en Algérie est particulièrement alarmante dans le contexte actuel. Elle sonne comme une fin de non-recevoir à l’appel du Rapporteur spécial des Nations unies, Clément Nyaletsossi Voule, contre les restrictions imposées aux organisations civiles. Un appel survenu suite à sa visite en Algérie en septembre dernier, après pas moins de huit reports opposés par la junte à de précédentes demandes, et qui a de toute évidence été ignoré. Au lieu de répondre à ces recommandations, le régime algérien a intensifié son assaut contre les droits fondamentaux. À l’avant-veille de cette visite, 15 groupes de défense des droits humains avaient d’ailleurs sommé les autorités algériennes de mettre fin à leurs attaques contre l’espace civique et permettre aux organisations indépendantes d’opérer sans restrictions arbitraires.
En plus, les députés européens condamnent sans équivoque la violation par l’Algérie des principes de l’Accord d’association UE-Algérie, qui établit le respect des droits humains comme essentiel. Ils exhortent par conséquent le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité à entreprendre des actions diplomatiques urgentes et fermes contre le régime algérien pour ces transgressions. Un appel à des sanctions est ainsi explicitement formulé. Que fera la Commission européenne?