Cette visite de Rami Hamdallah, premier ministre palestinien, et de dizaines d'officiels, la première depuis 2015, est censée matérialiser le rapprochement entre groupes palestiniens après une décennie d'animosité. Elle est aussi supposée préparer le terrain au transfert de pouvoirs entre le Hamas, qui dirige l'enclave, et l'Autorité palestinienne. Un conseil des ministres doit se tenir à Gaza dans la semaine. Une telle passation, soutenue par l'Egypte, est potentiellement lourde d'implications pour l'entreprise de paix délabrée avec Israël et, au-delà, pour les dynamiques régionales. Pour les deux millions de Gazaouis, l'enjeu est d'abord de desserrer l'étau. Leur territoire surpeuplé et meurtri par trois guerres avec Israël depuis 2008 est soumis aux blocus israélien et égyptien. Il manque d'eau et d'électricité avec un sévère impact sanitaire et humanitaire, et fait face au marasme économique et à un chômage de plus de 40%. Le Hamas et le Fatah qui domine l'Autorité palestinienne --internationalement reconnue et censée préfigurer un Etat indépendant-- expriment leur confiance dans les chances de raccommodement. Des questions essentielles restent cependant en suspens, à commencer par celle-ci: le Hamas est-il vraiment disposé à partager le pouvoir et, en particulier, à abandonner le contrôle de la sécurité? "L'espoir est grand", dit Moussa Abou Marzouq, figure éminente du Hamas. Mais, prévient-il, le Hamas et sa branche armée ne rendront pas les armes: "Il n'en a jamais été question et il n'en sera jamais question". Azzam Al-Ahmad, haut dirigeant du Fatah, se veut "plus optimiste qu'en aucune autre occasion passée". Mais, dit-il à l'AFP, le gouvernement doit exercer pleinement ses responsabilités, "y compris la sécurité, sans aucune ingérence d'aucune faction". Vainqueur des élections parlementaires en 2006, ensuite privé de son succès sous les pressions internationales, le Hamas, considéré comme une organisation terroriste par Israël, les Etats-Unis ou l'Union européenne, a pris en 2007 le pouvoir à Gaza au prix d'une quasi guerre civile avec le Fatah. Depuis, l'Autorité palestinienne n'exerce plus son pouvoir, limité, que sur la Cisjordanie, territoire occupé par Israël et distant de quelques dizaines de kilomètres. Les divisions palestiniennes sont considérées comme un des principaux obstacles à un règlement du conflit avec Israël et à une solution dite "à deux Etats" passant par la création d'un Etat palestinien comprenant la Cisjordanie et Gaza. A bout de patience, le président de l'Autorité Mahmoud Abbas a donné un sévère tour de vis en 2017, cessant de payer la facture pour l'électricité fournie par Israël à Gaza, réduisant les salaires des fonctionnaires de l'Autorité dans l'enclave ou limitant l'accès des Gazaouis aux soins médicaux hors du territoire. Isolé, confronté au risque d'explosion sociale mais aussi à un soutien amoindri du Qatar, le Hamas, par ailleurs soumis aux pressions du grand voisin égyptien, a fini par accéder à une série d'exigences du président Abbas, à commencer par la dissolution de son "comité administratif", sorte de gouvernement fantôme. Le Hamas attend à présent que M. Abbas lève les mesures punitives. Cela sera fait "dès que le gouvernement assumera ses responsabilités à Gaza", dit M. Al-Ahmad (Fatah). Cela comprend aussi, précise-t-il, la prise de contrôle des postes-frontières avec Israël et l'Egypte, autre motif majeur d'interrogations. Il y en a d'autres, comme le sort des dizaines de milliers de fonctionnaires recrutés depuis 2007 par le Hamas. En fait, dit l'universitaire Ghassan Khatib, l'initiative du Hamas tient de la "tactique pure" et vise à se décharger des affaires courantes qui sapent sa popularité dans une période difficile tout en restant en charge de la sécurité. Le Hamas renvoie "la patate chaude à l'Autorité", résume-t-il. Fatah et Hamas disent, eux, puiser leur confiance dans l'implication égyptienne. "Il est évident que, cette fois, (l'Egypte) joue sérieusement son rôle, non seulement en parrainant la réconciliation, mais en veillant à sa mise en oeuvre", estime l'analyste Jihad Harb. Une délégation du Caire doit observer le retour du gouvernement à Gaza. En outre, "jusqu'à présent, nous n'avons pas vu de veto américain ou israélien comme par le passé, il y a une volonté claire, au sein de l'UE ou aux Nations unies, de parvenir à une réconciliation", note-t-il. "Si nous laissons passer cette chance, je ne pense pas qu'une nouvelle se présentera de sitôt", admet l'envoyé spécial de l'ONU pour le Proche-Orient, Nickolay Mladenov.
Le 03/10/2017 à 09h27