Depuis que l'affaire a éclaté lundi soir, les Américains ont vu apparaître sur leurs écrans de télévision le visage au sourire sage de cette jeune femme, amoureuse de la nature et des animaux. Elle a été arrêtée samedi à son domicile, dans l'Etat de Géorgie.
Cheveux blonds attachés en chignon, yeux bleus, casier judiciaire ne comptant qu'une infraction routière mineure, Reality n'a pas vraiment le profil d'une criminelle. Elle mérite des menottes et la prison, a pourtant asséné Jason Chaffetz, un ténor des républicains au Congrès.
Encore tout récemment, si on se réfère à ses comptes Instagram et Facebook, cette ancienne engagée dans l'US Air Force rythmait ses journée de travail en se préparant des petits menus végétariens et en s'adonnant à des exercices physiques, comme des millions d'autres Américaines. Sur une photo selfie prise lors de ses dernières vacances, on la voit vêtue d'une tenue de sport au sommet d'une pyramide maya au Belize. Les réseaux sociaux nous apprennent aussi que Reality Winner ne se privait pas de critiquer en ligne le président Donald Trump, allant jusqu'à le qualifier de "tas de merde" dans un de ses messages.
Sportive et polyglotte
Elle est brutalement sortie de l'anonymat en décidant de marcher sur les pas d'Edward Snowden et de Chelsea Manning, que leurs soutiens présentent comme des "lanceurs d'alerte" ayant révélé des informations confidentielles utiles au public et que leurs détracteurs dénoncent comme des traîtres.
Snowden et Manning ont ébranlé le monde du renseignement alors qu'ils étaient âgés de moins de 30 ans, une jeunesse que partage Reality Winner. Ce n'est pas une surprise: les couloirs des agences d'espionnage américaines et leurs sous-traitants fourmillent de post-étudiants doués en informatique, cryptage et langues étrangères. Malgré leur courte expérience, ils se retrouvent à manipuler des données classées secret défense. Selon les déclarations de sa mère à CNN, Reality maîtrise le pachtou, le dari et le farsi, des langues parlées en Afghanistan, au Pakistan et en Iran.
Peu après être sortie diplômée de son lycée de Kingsville, au Texas, où elle excellait en athlétisme et en tennis, elle a choisi la carrière militaire, a précisé Billie Winner-Davis.
Contractuelle de la NSA
Carrière qu'elle a vraisemblablement passée derrière un écran dans l'Etat du Maryland. Après six années sous les drapeaux, elle est embauchée en février 2017 chez Pluribus International Corporation, une société travaillant pour l'Agence nationale de la sécurité (NSA).
Si l'on en croit le compte-rendu d'enquête du FBI, Reality Winner a été imprudente en faisant fuiter un document confidentiel auquel elle avait accès: non seulement elle l'a imprimé sur son lieu de travail, mais elle a contacté par email le site The Intercept à qui elle l'a envoyé.
Face à l'agent spécial de la police fédérale qui est venue l'interroger, la jeune femme aurait reconnu l'ensemble de ces faits. Selon le document, des pirates informatiques du renseignement militaire russe ont tenté à plusieurs reprises de s'introduire dans les systèmes électoraux américains avant la présidentielle de 2016.
Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a estimé que Reality Winner méritait d'être soutenue pour son "courage employé à nous informer".
Sarah Huckabee Sanders, une porte-parole du président Trump, a elle au contraire condamné "l'acte de trahison" de l'ex-militaire. "Elle s'est retrouvée entraînée dans quelque chose qui la dépasse", a de son côté tempéré Titus Nichols, l'avocat de la jeune fille.
Reality Winner doit comparaître jeudi à Augusta devant le juge Brian Epps, qui doit statuer sur sa détention. En attendant, elle a demandé à sa mère de bien prendre soin de son chien et de son chat.