La justice espagnole a convoqué mardi 31 octobre M. Puigdemont et treize de ses "ministres", qui sont appelés à comparaître jeudi et vendredi en vue de leur inculpation.
Une juge d'instruction de l'Audience nationale, juridiction siégeant à Madrid et chargée des affaires complexes, a été saisie lundi par le Parquet, qui a requis des poursuites notamment pour rébellion et sédition, chefs passibles respectivement d'un maximum de 30 et 15 ans de prison.
Installé à Bruxelles avec une partie de son gouvernement destitué, M. Puigdemont a expliqué lors d'une conférence de presse qu'il comptait rester en Belgique avec quelques-uns de ses "ministres" pour "expliquer au monde les défaillances démocratiques de l'État espagnol".
Dans la soirée, pourtant, au moins deux de ces "ministres" sont rentrés à Barcelone où ils ont atterri peu après 23h00 (22h00 GMT), a constaté un journaliste de l'AFP.
L'un d'eux, Joaquim Forn, chargé du portefeuille de l'Intérieur, a été chahuté à l'aéroport barcelonais par des opposants à l'indépendance qui l'ont qualifié de "traître" et ont brandi des drapeaux espagnols.
M. Puigdemont a assuré qu'il ne se soustrairait pas à la justice, mais a prévenu qu'il ne reviendrait pas en Espagne sans l'assurance de bénéficier d'un procès impartial, accusant le parquet de nourrir un "désir de vengeance" à son endroit.
Il a par ailleurs affirmé qu'il ne demanderait pas l'asile politique en Belgique.
Le Premier ministre belge Charles Michel a prévenu que pendant son séjour en Belgique M. Puigdemont serait "traité comme n'importe quel citoyen européen", avec "les mêmes droits et devoirs, ni plus ni moins".
Sans préjuger des chefs d'inculpation qu'elle retiendra, la juge de l'Audience nationale a fait valoir que, ignorant les injonctions de Madrid et les décisions de justice, le gouvernement catalan "a continué d'engager les mesures nécessaires à la création d'un Etat catalan indépendant sous la forme d'une république".
M. Puigdemont et son cabinet risquent s'ils se présentent d'être placés en détention provisoire, comme deux présidents de mouvements associatifs indépendantistes écroués à la mi-octobre pour "sédition". L'Audience nationale examinera vendredi le recours de ces deux militants.
La présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell, elle aussi démise de ses fonctions, est également convoquée cette semaine, mais devant la Cour suprême, compétente pour les députés.
"Ni les poursuites ni les menaces n'entraveront les institutions catalanes", a twitté Carme Forcadell mardi en prônant une action "pacifique et démocratique".
Démis de ses fonctions par Madrid le 27 octobre, quelques heures après la proclamation unilatérale de la "république" catalane, Carles Puigdemont s'est rendu en Belgique lundi alors qu'étaient concrètement enclenchées les mesures de mise sous tutelle par Madrid des institutions catalanes.
Il a déclaré que son "gouvernement" se partagerait désormais la conduite des affaires entre la Belgique et Barcelone.
Survenant près d'un mois après le référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre, les déclarations de M. Puigdemont étaient très attendues dans la région de 7,5 millions d'habitants où son départ a laissé nombre de militants désemparés.
Afin d'éviter des troubles à moins de deux mois des élections régionales, fixées au 21 décembre par le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, M. Puigdemont a déclaré que les indépendantistes allaient "ralentir" leur action.
"Nous avons été obligés d'adapter notre plan de travail pour éviter la violence" et "si cette attitude a pour prix de ralentir le déploiement de la République, alors il faut considérer que c'est un prix à payer raisonnable dans l'Europe du 21e siècle", a-t-il dit.
Une source du gouvernement espagnol à Barcelone a réagi en déclarant: "Le processus indépendantiste n'est pas ralenti, il est arrêté".
Dans le sillage de l'activation de l'article 155 de la Constitution espagnole faisant passer la Catalogne sous le contrôle de Madrid, M. Puigdemont avait appelé les Catalans à la résistance "démocratique", mais la transition s'est passée sans heurts pour les quelque 200.000 fonctionnaires.
Le préfet de Catalogne, Enric Millo, a assuré que l'administration fonctionnait normalement, en assurant n'avoir "pas trouvé un seul cas de fonctionnaire qui ne remplisse pas son devoir".