La perspective d'un déblocage avant les élections législatives turques prévues mi-mai est désormais très faible.
«On peut sans doute oublier maintenant une ratification turque avant les élections», souligne Paul Levin, directeur de l'Institut des études turques à l'Université de Stockholm.
«D'une part Erdogan veut détourner l'attention d'une économie en mauvais état durant les mois précédant les élections», dit-il à l'AFP.
«De l'autre, des groupes en Suède qui sont contre l'Otan et des partisans du PKK inquiets des assurances données par le gouvernement ont compris qu'ils pouvaient énerver le président turc en l'insultant et ainsi faire dérailler le processus d'adhésion», résume l'expert.
Samedi, une manifestation -autorisée par la police- devant l'ambassade de Turquie à Stockholm du militant anti-islam et anti-immigration Rasmus Paludan a provoqué la colère turque.
Cet extrémiste de droite qui a fait des autodafés de Coran son principal mode d'action politique est venu brûler un exemplaire du livre sacré des musulmans, sous importante protection policière.
La constitution libérale de la Suède et les libertés de manifestations et d'expression avaient conduit la police à considérer que l'action du chef du microparti «Stram Kurs» (Ligne dure) devait être autorisée.
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Incompréhensible pour Ankara, qui après avoir convoqué l'ambassadeur suédois, a annulé la visite du ministre de la Défense Pål Jonson prévue en fin de semaine prochaine -rare rencontre de haut niveau encore à l'agenda.
C'est le deuxième incident diplomatique depuis le début de l'année, après celui provoqué mi-janvier par des militants prokurdes ayant pendu par les pieds un mannequin d'Erdogan devant l'hôtel de ville de Stockholm, façon Mussolini 1945.
Une action qualifiée de «sabotage» de la candidature suédoise à l'Otan et de «simulacre d'exécution» d'un dirigeant «démocratiquement élu» par le Premier ministre suédois Ulf Kristersson.
«Dictateur islamiste»Mais les mots très fermes du dirigeant conservateur lui ont aussi valu des critiques pour ce qui, selon de nombreux Suédois, rentre dans le cadre d'une manifestation démocratique.
Le chef de l'extrême droite suédoise, qui n'est pas au gouvernement mais est la première formation de l'actuelle majorité, a lui aussi appelé M. Kristersson à ne pas donner trop à M. Erdogan, qu'il a qualifié au passage de «dictateur islamiste».
«On ne peut pas aller trop loin. Parce que c'est avant tout un système antidémocratique et un dictateur avec lesquels nous devons composer», a prévenu Jimmie Åkesson mercredi.
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Dans le même temps, la Turquie semble toujours augmenter la mise, en exigeant un nombre de plus en plus élevé d'extraditions de «terroristes» kurdes habitant en Suède. Jusqu'à 130, a glissé récemment le président Erdogan.
Et ce alors que c'est la justice suédoise, et non le gouvernement, qui a le dernier mot sur les demandes d'extradition.
La Turquie «veut des choses que nous ne pouvons et ne voulons pas lui donner», a reconnu M. Kristersson début janvier, en référence à l'épineuse question des extraditions.
Le secrétaire général de l'Otan, qui au printemps dernier tablait sur une adhésion express de quelques semaines, pense qu'elle aura lieu en 2023 mais n'est pas en mesure de le garantir, a-t-il confié début janvier dans une interview à l'AFP.
«Je ne garantirai pas la date exacte, car il s'agit bien sûr d'une décision souveraine du Parlement turc et du Parlement hongrois, qui n'ont pas encore ratifié», a affirmé Jens Stoltenberg.
La Turquie comme la Hongrie ont maintenu des liens avec la Russie malgré l'invasion de l'Ukraine, Ankara se plaçant en possible médiateur du conflit.
Rare bonne nouvelle pour la Suède: la Finlande n'a pour l'instant pas l'intention de rentrer dans l'Otan sans son «grand frère» suédois.
«Nous espérons que nous entrerons dans l'Otan ensemble», a réaffirmé la Première ministre finlandaise Sanna Marin à Davos la semaine dernière, interrogée sur l'hypothèse que la Turquie ratifie l'adhésion finlandaise et pas la suédoise.