Les Émirats, quel enjeu pour la France? Élevé, comme en témoigne le rythme des échanges bilatéraux: François Hollande a rencontré à cinq reprises le prince héritier d'Abou Dhabi Cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyane entre 2012 et 2016. Et l'actuel chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian s'y est rendu une bonne dizaine de fois comme ministre de la Défense.
Les liens sont "étroits, réguliers et diversifiés", résume l'Élysée.
Les Émirats sont le 2e partenaire commercial de la France dans le Golfe, après l'Arabie saoudite, avec près de 4,7 milliards d'euros d'échanges en 2016, allant de l'aéronautique (déjà 100 Airbus 380 livrés à la compagnie Emirates) aux produits de luxe. Ils représentent ainsi pour la France le 4e excédent au niveau mondial.
Les exportations françaises ont cependant reculé ces deux dernières années (-5,9% en 2016) en raison de l'exacerbation de la concurrence internationale et de l'impact de la chute des cours du pétrole.
Outre le Louvre, la France est présente avec l'université Sorbonne Abou Dhabi et développe des projets communs dans le secteur des énergies renouvelables. Le nombre de Français vivant dans les Émirats ne cesse d'augmenter, à près de 30.000.
Et sur le plan militaire?Les Émirats sont devenus "un partenaire stratégique-clé" de la France au Moyen-Orient, une alliance scellée après la guerre du Golfe de 1990-91. La France dispose à Abou Dhabi de sa seule implantation militaire permanente à l'étranger hors de l'Afrique.
Quelque 700 militaires des FFEAU (forces françaises aux EAU) sont déployés sur la base d'Al-Dhafra, au sud d'Abou Dhabi, d'où partent des avions Rafale bombardant les positions du groupe État islamique (EI) en Irak et en Syrie, et sur la base navale de Mina Zayed, près de la capitale, où se rendra jeudi M. Macron.
Cette implantation est parfois comparée au "deuxième porte-avions" que la France n'a plus, lui permettant d'être présente dans la zone stratégique du Golfe et du nord de l'océan Indien, par où transite une part importante du commerce mondial.
Quid du Rafale?
Après avoir vendu depuis 2015 l'avion de combat Rafale au Qatar (24), à l'Égypte (24) et à l'Inde (36), la France espère convaincre les Émirats d'acquérir le fleuron du groupe Dassault Aviation. Mais les discussions durent depuis des années et personne ne sait quand elles pourraient aboutir.
La question sera évidemment abordée au cours de la visite présidentielle, mais l'Élysée a déjà prévenu qu'"aucune annonce ne sera faite" cette semaine.
"Les Émirats sont devenus des négociateurs difficiles", souligne Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). "Et, à cause de la chute des cours pétroliers, leurs moyens financiers ne sont plus aussi élevés qu'il y a quelques années".
Des avancées pourraient en revanche être réalisées pour la vente de corvettes de surveillance Gowind 2500, fabriquées par Naval Group, qui a commencé à en livrer à l'Égypte, proche alliée des EAU.
Y a-t-il des sujets sensibles entre les deux pays?
"Nous sommes des partenaires très proches, mais il y a parfois des sujets sur lesquels nous ne sommes pas totalement d'accord", reconnaît-on à l'Élysée.
C'est le cas de la guerre au Yémen, dans laquelle les Émirats sont fortement impliqués aux côtés de l'Arabie saoudite. La France appelle "à une solution politique car nous ne croyons pas qu'il y ait une issue militaire", précise-t-on de même source.
Paris cherche aussi à promouvoir "l'apaisement" et "le dialogue" dans la crise diplomatique autour du Qatar, mis au ban depuis juin par Riyad et Abou Dhabi, qui dénoncent son rapprochement avec l'Iran chiite, principal rival des Saoudiens au Moyen-Orient.
La tâche est donc délicate pour M. Macron, qui a récemment annoncé son intention de se rendre à Téhéran, une visite inédite pour un président français depuis 1976.
"La France est embarrassée sur ce dossier car elle cherche à ménager toutes les parties", mais "elle a du mal à peser, comme d'ailleurs les autres pays occidentaux", remarque Jean-Pierre Maulny.