L’agence de presse officielle algérienne, APS, a rendu compte hier, 11 septembre 2021, dans une dépêche de l’ouverture d’une salle de judo par le judoka Fethi Nourine, qui a brillé le 23 juillet dernier, lors des jeux olympiques de Tokyo, en déclarant forfait chez les -73 kg afin de ne pas avoir à rencontrer sur le tatami Tohar Butbul, en raison de sa nationalité israélienne et prétendument par solidarité à la cause palestinienne.
La Fédération internationale de judo (IJF) qui a jugé son acte «en totale opposition à la philosophie» de l’instance, celle-ci ayant «une politique stricte de non-discrimination et (promouvant) la solidarité comme principe fondamental», a suspendu le judoka ainsi que son entraineur Amar Benikhlef pour une durée de dix ans de toutes activités organisées ou autorisées par le FIJ et ses fédérations et a retiré son accréditation au sportif.
La normalisation de l’antisémistimeUne sanction toutefois jugée «très injuste» par le ministre de la Jeunesse et des Sports, Abderrezak Sebgag, qui, rapporte l’APS, a d’ailleurs «entrepris des procédures de recours contre la décision de la Commission de discipline de la FIJ».
Bien que déclarée «contraire aux règles de la charte olympique», la décision du judoka de ne pas combattre est considérée par les autorités algériennes comme étant tout à fait normale, l’antisémitisme faisant partie intégrante du discours politique de la junte algérienne. Fort de ce soutien, le sportif, qui avait déjà réagi de la même manière lors des Mondiaux 2019 de Tokyo, persiste et signe devant les médias algériens en déclarant être «fier» et «heureux d'avoir mis en colère l'entité sioniste». «Cette décision m'honore d'abord et honore ma famille, le peuple algérien et l'État algérien, car le président Abdelmadjid Tebboune a déclaré que nous ne bénissons pas la normalisation (avec Israël) et que nous soutenons la cause palestinienne» ajoutait-il.
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«L’entité sioniste», c’est ainsi que dans l’armée, la classe politique et dans les médias algériens, on désigne Israël. Or, si par l’emploi de cette expression, doté d’un coefficient à la fois péjoratif et haineux, l’Etat algérien prétend revendiquer son soutien à la cause palestinienne, il convient de ne pas s’y tromper.
Les attaques linguistiques récurrentes contre cette «entité sioniste» sont en fait l’expression d’un antisémitisme notoire, érigé en doctrine d’Etat, bien enraciné dans le pays.
La haine, nouvelle valeur sportiveRécompensé pour son antisémitisme sous couvert d’acte de bravoure, Fethi Nourine a donc reçu «l'aval des autorités locales de la commune d'Oran pour l’accompagner dans un nouveau projet sportif consistant en l’ouverture d’une école de formation des petits talents et la promotion de la discipline dans la capitale de l'Ouest du pays», énonce ainsi l’agence de presse algérienne.
Le héros du moment a aussi eu droit à une cérémonie, «organisée en fin de semaine, par les autorités communales en l’honneur de Fethi Nourine, qui était accompagné par son entraîneur Amar Benyekhlef, au cours de laquelle le judoka algérien a bénéficié des clés de la salle sportive qui abritera son projet sportif implanté au niveau du quartier populaire de "Saint-Pierre"» poursuit-on dans la dépêche.
Et c’est enfin à Fethi Nourine qu’est attribué en grande partie «l’émergence d’une nouvelle génération de champions dans une ville réputée pour avoir enfanté plusieurs athlètes ayant représenté dignement le sport algérien ».
Cette réaction ahurissante des autorités algériennes, amplifiée par l’agence de presse officielle, met encore une fois en exergue un antisémitisme, devenu politique d’Etat depuis de nombreuses années.
L’histoire se répète…En 2011 déjà, à la veille d'une venue en Algérie de l’ancien président de la République française Nicolas Sarkozy, un dérapage antisémite d’un ministre algérien avait jeté un coup de froid entre Paris et Alger. En cause, une interview accordée par Mohamed Chérif Abbas, à l’époque ministre algérien des Anciens combattants, dans les colonnes du quotidien El Khabar, au cours de laquelle celui-ci tient des propos d’une rare virulence. Accusant Nicolas Sarkozy d’être à la solde d’Israël, celui-ci avait alors déclaré, «vous connaissez les origines du président français et les parties qui l'ont amené au pouvoir. Ceci était le résultat d'un mouvement qui reflète l'avis des véritables architectes de l'arrivée de Sarkozy au pouvoir, le lobby juif qui a le monopole de l'industrie en France».
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Dans ce même entretien, qui a, depuis, été supprimé du site du journal, le ministre s’attaque ensuite à une autre personnalité issue de la communauté juive, le chanteur français d’origine algérienne Enrico Macias, qui devait faire partie de la délégation française accompagnant le président Sarkozy en Algérie. Jugeant que «la venue d’Enrico Macias est une provocation», Mohammed Chérif Abbas n'a pas hésité à exprimer, haut et fort, l’antisémitisme du pouvoir en place, lequel a par la suite brillé par l’absence totale d'une réaction officielle ou de rappel à l’ordre suite à ces déclarations.
Quatre ans plus tard, le 1er novembre 2015, c’est cette fois-ci une vidéo glaçante qui fait son apparition sur le web, une vidéo qui témoigne de l’antisémitisme décomplexé qui sévit au sein même de l’armée algérienne. Pour galvaniser les troupes lors d’un exercice de marche ordonnée de la gendarmerie nationale algérienne, on chante à tue-tête… Un appel à massacrer les juifs.
«Oh arabes, fils d’arabes. Marchez et pointez vos armes vers les Juifs. Pour les tuer. Les abattre. Les écorcher. Les égorger…». Chanté en arabe, cet hymne emploie une sémantique spécifique à l’antisémitisme et non à l’antisionisme. En effet, c’est le terme alyahoud, qui signifie en arabe les juifs, qui est ici employé, et non pas al israiliyine, les Israéliens en arabe, ou encore assahayina, les sionistes en langue arabe. On parle bien ici des juifs, en général, et sans aucun lien avec la cause palestinienne.
En se servant d’une agence d’Etat pour annoncer l’ouverture d’une salle de sport par un judoka sanctionné, à juste titre par la communauté internationale, le régime algérien donne à voir, une fois encore, l’étendue d’un antisémitisme décomplexé.