«L'essence est soumise à une forte pression, mais le gasoil va dans la direction opposée», résume Andrew Lebow, de Commodity Reserach Group.
Les stocks de gasoil, aussi communément appelé diesel, «sont tendus dans l'ensemble, au niveau mondial», affirme-t-il, notamment inférieurs de 23% à leur niveau moyen des cinq dernières années à la même époque aux États-Unis.
Gasoil et essence proviennent d'un processus de raffinage différent de pétrole brut.
«Le gasoil est plus dense et alimente les camions, les trains et les bus, tandis que l'essence est principalement destinée aux voitures», explique à l'AFP Edward Moya, analyste chez Oanda.
«Une grande partie du monde fonctionne encore au gasoil et la plupart des biens consommables en dépendent, alors que l'essence est plus sujette aux tendances de consommation», poursuit-il.
La guerre en Ukraine a mis en évidence que «les Européens dépendaient de la Russie pour une part importante de la production de gasoil», souligne Michael Lynch, président de Strategic Energy & Economic Research, interrogé par l'AFP.
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Seb Research estime à 800.000 barils par jour la part de gasoil importée de Russie par l'Union européenne.
S'ajoute à cela une crise énergétique exacerbée par l'envolée des prix du gaz, qui ont triplé en Europe depuis le début de l'année.
La semaine dernière, l'annonce d'une interruption momentanée des livraisons de gaz russe via le gazoduc Nord Stream 1 a même propulsé le cours du contrat à terme TTF néerlandais, référence du gaz naturel en Europe, jusqu'à 342,005 euros le mégawattheure (MWh), à seulement 3 euros du record historique atteint mi-mars aux premiers jours de l'invasion russe de l'Ukraine.
Substitut du gaz naturelGaz et pétrole brut ne sont substituables qu'à la marge, le gaz étant principalement utilisé pour le chauffage, pour produire de l'électricité, ou dans l'industrie lourde comme pour la fabrication de ciment ou de produits chimiques, quand le pétrole sert majoritairement de carburant.
Mais les prix du gaz, récemment poussés à des niveaux stratosphériques, ont incité à chercher des alternatives, poussant par exemple certains pays à renouer avec le très polluant charbon.
Et le gasoil peut s'avérer un «bon substitut du gaz naturel dans de nombreuses applications: pétrochimie, électricité, chauffage», énumère Bjarne Schieldrop, analyste chez Seb Research, interrogé par l'AFP.
Le diesel en tant que fioul de chauffage apparait donc comme l'alternative toute trouvée, ses prix restant sans commune mesure avec ceux du gaz, en particulier à l'approche de l'hiver.
«La chasse au gasoil et fioul de chauffage est ouverte», ironise M. Schieldrop.
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Début août, l'Agence internationale de l'énergie avait même revu à la hausse ses prévisions de demande mondiale de pétrole pour la seconde partie de l'année, arguant que les vagues de chaleur et la flambée des prix du gaz avaient déjà incité les pays à changer de combustible pour la production d'électricité.
Bouclier sur la demandeEn parallèle, la demande d'essence subit de plein fouet les craintes grandissantes de récession, les perspectives économiques mondiales s'assombrissant.
«Les contrats à terme sur l'essence ont faibli», note Phil Flynn, de Price Futures Group, ajoutant que «cela suscite des inquiétudes plus importantes concernant un ralentissement économique».
«L'augmentation saisonnière habituelle de la demande d'essence aux États-Unis cet été a été particulièrement décevante», soulignait dans une note Stephen Brennock analyste chez PVM Energy.
La période s'étalant de fin mai à début septembre, appelée «saison de la conduite» est pourtant habituellement le temps fort de la demande de ce carburant dans le pays.
L'attribut de substitut tout trouvé au gaz naturel et ses niveaux de prix extrêmes offrent en effet au gasoil un bouclier anti craintes de récession.
Andrew Lebow se demande toutefois si le gasoil, coté sur le New York Mercantile Exchange, ne sera pas rattrapé par le contexte économique morose. «La demande de gasoil devrait être beaucoup plus faible qu'elle ne l'est», affirme-t-il. «Et peut-être que dans les semaines à venir, nous allons commencer à la voir s'effondrer.»