Les Talibans afghans ont annoncé vendredi avoir choisi le mollah Akhtar Mansour, pour remplacer mollah Omar, dont la mort il y a deux ans, a été confirmée seulement hier. La direction des Talibans lui a adjoint deux lieutenants, le mollah Haibatullah Akhundzada, ancien chef des tribunaux des Talibans, et surtout Sirajuddin Haqqani, le fils de Jalaluddin Haqqani et leader du réseau du même nom, une influente branche de la rébellion talibane réputée proche des services secrets pakistanais.
"Après la mort (du mollah Omar), le conseil de direction et des dignitaires musulmans de tout le pays ont nommé son proche ami et ancien bras droit le mollah Akhtar Mansour à leur tête", expliquent les rebelles islamistes dans un communiqué.
Le mollah Akthar Mansour, de l'ethnie pachtoune, tout comme son prédécesseur, "était considéré comme digne de confiance et la personne idoine pour prendre de lourdes responsabilités", à l'époque où le mollah Omar était en vie, ajoutent les Talibans.
Des accointances avec le Pakistan
La première transition de pouvoir au sein des Talibans dirigés depuis deux décennies par le mollah Omar ne semble toutefois pas consensuelle, certains commandants lui préférant le fils du mollah Omar, Yacoub, 26 ans, ou lui reprochant ses accointances avec le Pakistan voisin.
"La décision a été prise dans l'urgence et plusieurs membres du conseil, incluant trois membres fondateurs des Talibans se sont opposés à la nomination d'Akhtar Mansour", a déclaré à l'AFP un membre de la "Choura de Quetta", organe central des Talibans du nom de la ville du sud-ouest pakistanais où il est basé.
"Le mollah Mansour est considéré comme l'homme du Pakistan, c'est ce qui explique les différends au sein du leadership des talibans", a renchéri un cadre intermédiaire de la rébellion requérant aussi l'anonymat.
“Modéré et pro-paix”
Le mollah Mansour reprend néanmoins le flambeau à un moment charnière dans l'histoire des Talibans.
Ces derniers se sont en effet récemment engagés dans d'inédits pourparlers de paix avec le gouvernement afghan, tout en subissant les assauts de l'organisation "Etat islamique (EI)", groupe jihadiste qui tente d'étendre en Afghanistan son "califat" proclamé sur une partie du Moyen-Orient.
Les autorités afghanes ont longtemps accusé les services secrets pakistanais de téléguider les Talibans, en lutte contre les forces de l'OTAN et leurs alliés afghans, ou de "garder sous la main" des cadres de la rébellion afin de les utiliser à un moment jugé opportun par Islamabad.
Mais début juillet, le Pakistan a joué les entremetteurs en organisant une première rencontre officielle entre des cadres talibans et des représentants du gouvernement de Kaboul afin de mettre sur les rails de véritables négociations de paix, sous la supervision des Etats-Unis et de la Chine.
L'annonce-surprise cette semaine du décès du mollah Omar, survenu en avril 2013 d'après les services secrets afghans, a forcé le Pakistan à reporter sine die le second round de pourparlers de paix entre Kaboul et les insurgés prévu ce vendredi sur son sol.
Si les pourparlers de paix ont été reportés, ils n'ont pas été annulés. Au contraire. "Le mollah Mansour est un modéré, favorable à la paix et aux pourparlers", souligne Abdul Hakim Mujahid, un ancien Taliban aujourd'hui membre du Haut conseil afghan pour la paix, un organisme mandaté par Kaboul pour pactiser avec les rebelles islamistes.
“Réconciliation afghane”
"Je pense que sous sa gouverne, le processus de paix sera renforcé et que les Talibans seront à terme intégrés dans le jeu politique afghan", a-t-il ajouté dans un entretien à l'AFP.
Les Etats-Unis, qui encouragent depuis longtemps une "réconciliation" afghane, ont jugé que la mort du mollah Omar représentait "clairement un moment opportun (...) pour que les Talibans scellent une paix authentique avec le gouvernement afghan", selon un porte-parole du département d'Etat.
Des analystes demeurent néanmoins sceptiques sur la reprise rapide du dialogue afin de stabiliser un pays endeuillé par près de quatorze années consécutives de guerre et confronté à une escalade des violences après le départ, en décembre, de l'essentiel des forces de l'Otan.
Et s'inquiètent de l'émergence en Afghanistan de Daech, organisation plus radicale et opposée aux pourparlers de paix, qui pourrait profiter des nouvelles divisions au sein des Talibans pour intensifier son recrutement chez son rival islamiste.
Le mollah Mansour, nouveau patron des Talibans, avait d'ailleurs adressé en juin une mise en garde au chef des djihadistes de Daech, Abou Bakr al-Baghdadi, l'enjoignant de s'abstenir de toute implantation en Afghanistan, sous peine de "réaction" des Talibans.