"Nous sommes face à un événement dramatique. La crise est là pour durer", a affirmé la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, après une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE à Luxembourg. "Nous attendons du monde qu'il consacre plus d'attention à cette crise humanitaire", a dit le vice-Premier ministre turc Cevdet Yilmaz, en bouclant une réunion des grands argentiers du G20 - les 20 principales économies mondiales - à Ankara.
Au moins 500 personnes bloquées en Hongrie depuis plusieurs jours, dans des conditions éprouvantes, ont entamé samedi une nouvelle marche depuis la gare centrale de Budapest vers la frontière autrichienne, distante de 175 km. Vendredi, quelque 1.200 migrants s'étaient mis en marche vers la frontière avec l'Autriche, poussant les autorités hongroises à les conduire, eux et des milliers d'autres, en bus à la frontière.
Selon la police autrichienne, 123 bus affrétés en Hongrie sont arrivés à la frontière, mais selon le chef de la police hongroise il n'y aura "plus de véhicule" supplémentaire pour les migrants. L'Autriche, qui prévoyait l'arrivée de 10.000 personnes dans la journée, et l'Allemagne, qui en escomptait jusqu'à 7.000, ont donné leur accord pour accueillir ces hommes, femmes et enfants, fuyant pour la plupart la Syrie ravagée par la guerre.
Selon le Sunday Times, la Grande-Bretagne devrait annoncer rapidement qu'elle est prête à accueillir 15.000 réfugiés syriens et à lancer des opérations militaires contre les passeurs.
“Loin d'être terminé”
Des scènes d'exode ont continué de marquer la pire crise migratoire en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. A la gare de Vienne, les réfugiés drapés dans des couvertures, certains portant des enfants endormis, étaient accueillis par une armée de bénévoles apportant nourriture, boissons, savons et billets de train.
Des solutions d'hébergement ont été trouvées dans la capitale autrichienne pour le millier de migrants risquant de ne pas avoir de correspondance durant la nuit. A Nickelsdorf, à la frontière avec la Hongrie, les autorités craignent en revanche que les 800 lits prévus soient insuffisants. "Mes doigts de pied me font mal, je saigne. Nous avons trop marché. Je veux aller jusqu'en Allemagne mais après je m'arrête", a confié un Syrien de 26 ans, originaire de la ville dévastée de Homs (ouest).
Côté allemand, les migrants arrivaient par centaines à la gare de Munich (sud), aussitôt conduits vers des centres d'accueil. Des centaines de personnes s'étaient rassemblées dans la soirée à la gare de Francfort (ouest) attendant avec de l'eau et de la nourriture les réfugiés, prévus tard dans la nuit. "Après d'innombrables exemples de traitements honteux des réfugiés et des migrants par les gouvernements en Europe, c'est un soulagement de voir enfin une once d'humanité. Mais c'est loin d'être terminé, à la fois en Hongrie et en Europe", a prévenu un responsable d'Amnesty International.
“Le bazar en Europe”
Le chef de la diplomatie autrichienne, Sebastian Kurz, a exhorté l'UE à "ouvrir les yeux", estimant que l'évacuation en bus des migrants par la Hongrie montrait "à quel point c'est le bazar en Europe en ce moment". Les autorités hongroises sont dépassées: plus de 50.000 migrants, pour la plupart désireux de rejoindre l'Allemagne et d'autres pays d'Europe occidentale, sont arrivés pour le seul mois d'août en Hongrie. Sur la sellette, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, s'est défendu : "Ce qui s'est passé en Hongrie depuis la nuit dernière est la conséquence, d'abord, de l'échec de la politique migratoire de l'Union européenne".
En Méditerranée aussi, les arrivées par centaines en provenance des côtes turques proches se poursuivent à un rythme soutenu sur les îles grecques d'Egée orientale, et quelque 650 personnes au total ont été secourues en mer. Sur l'île de Lesbos, qui recueille à elle seule la moitié des arrivants, de brefs incidents ont opposé la police à des réfugiés et migrants protestant contre la lenteur de leur enregistrement, d'après les télévisions grecques.
A Collio, dans le nord de l'Italie, la police est intervenue devant un hôtel hébergeant 19 demandeurs d'asile pour séparer environ 200 personnes venues apporter des vêtements de quelques dizaines de militants d'extrême droite.
Les Européens peinent à s'accorder pour accueillir les 366.000 personnes au minimum qui ont traversé la Méditerranée depuis le début de l'année, selon l'ONU. Quelque 2.800 y ont laissé leur vie.Le Haut-commissariat aux réfugiés a appelé vendredi à la répartition d'au moins 200.000 demandeurs d'asile dans l'Union européenne. La Commission européenne va proposer la semaine prochaine de se répartir l'accueil de 120.000 réfugiés.
En France, plus de 10.000 personnes se sont rassemblées à Paris et dans d'autres villes en solidarité avec les migrants.
Les images choc du petit Syrien Aylan Kurdi, retrouvé noyé mercredi sur une plage turque, ont provoqué une profonde émotion à travers le monde et suscité un élan de solidarité face à la tragédie.