Plus de huit cents cheminots de nationalité ou d'origine marocaine crient à l’injustice et exigent réparation à la Société nationale des chemins de fer (SNCF) pour discrimination durant leur carrière. 832 requêtes avait été examinées en mars dernier, aux prud'hommes de Paris, après dix ans d'attente pour certains dossiers.
Des cheminots retraités de la SNCF ont assigné l'entreprise dès 2005. Renvoyés au fil des ans, leurs recours seront réexaminés par un juge professionnel chargé de départager les conseillers prud'homaux qui n'ont pas réussi à se mettre d'accord, sa décision sera communiquée lundi aux différentes parties.
Les ex-cheminots et employés de la SNCF, ont été recrutés au Maroc au début des années 1970 comme contractuels, avec un contrat de droit privé, et ne relèvent pour la plupart pas du statut particulier des cheminots, réservé aux ressortissants européens et aux jeunes embauchés. Cantonnés aux plus bas niveaux de qualification et lésés par la clause de nationalité encore en vigueur à la SNCF, ils dénoncent un traitement partial et réclament l'application du principe "à travail égal, salaire égal" et la reconstitution de leur carrière et l'alignement de leurs retraites sur celles des Français embauchés aux mêmes postes. 113 plaignants qui ont pu tardivement accéder au fameux statut reprochent également à la compagnie ferroviaire de ne pas leur avoir reconnu leur ancienneté.
Avec émotion, ces cheminots qui disent éprouver un sentiment d'humiliation, eux qui ont travaillé dans des conditions difficiles, qui ont été discriminés, faisant exactement les mêmes tâches que leurs collègues français au statut, mais qui ont vu leurs carrières bloquées et ont eu des retraites moindres. Ils évoquent amèrement la souffrance des veuves marocaines contraintes à s'inscrire au RMI alors que les épouses des cheminots français reçoivent immédiatement une pension et leurs enfants deviennent pupilles de la nation.
A l'audience, l'avocat de la SNCF conteste toute discrimination évoquant "l'imprécision" des recours et la "parfaite légalité" de la "distinction" entre agents au statut et contractuels, qui relèvent pour les premiers d'une caisse de retraite spécifique et pour les autres du régime général. L'enjeu est financièrement très lourd puisque les plaignants réclament chacun en moyenne 400.000 euros de dommages et intérêts.
Ce combat judiciaire nous rappelle ceux des anciens combattants et des anciens mineurs du Nord-Pas-de-Calais qui bataillent toujours pour avoir une affiliation rétroactive au régime général de la Sécurité sociale.