Lundi dernier, au lendemain de la mort de son frère avocat, l’ancien Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia a subitement fait le buzz sur les réseaux sociaux et les télévisions du monde entier. Il est apparu menotté, encerclé par une dizaine de gendarmes. Ces gaillards, dont certains sont lourdement armés, dominent un septuagénaire de petite taille, hagard.
Du jamais vu. Nulle part ailleurs qu’en Algérie, on ne peut surprendre ce genre d’image à la fois abjecte et irrationnelle. Celle d’un homme politique qui a servi l’Algérie pendant plus de 40 ans, en étant quatre fois Premier ministre sous deux présidents algériens (Abdelaziz Bouteflika et Liamine Zeroual), chef emblématique d’un parti politique important (RND), ancien diplomate… et qui est exhibé comme un dangereux criminel.
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En réalité, c’est finalement une autre image qu’il nous est donné de voir. Celle, terrible, d’un régime algérien en déliquescence et d’un pays qui souffre lamentablement d'un défaut de profondeur de l’Etat. L’image de Ouyahia montre qu’en Algérie, il n’y a pas la moindre once de ce socle qui fait les nations, grandes ou petites: la culture d’Etat. Et comment pourrait-il en être autrement, quand ce pays est pris en otage par des clans qui, depuis l’indépendance, se livrent à des règlements de comptes interminables.
Si l’actuel régime, qui se qualifie de «nouveau pouvoir», veut faire croire qu’il est en train d’opérer une césure par rapport aux pratiques claniques et mafieuses du passé, avec l’humiliation de Ouyahia, il a exactement prouvé le contraire. L’état d’esprit qui domine aujourd’hui, c’est celui d’un clan qui règle ses comptes. Un clan qui agit par réflexe et non par réflexion. Un groupe qui montre que le clanisme est érigé en mode de gouvernance.
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Le nouveau clan n’a probablement pas mesuré les conséquences désastreuses du mauvais traitement qu’il vient de faire subir à Ahmed Ouyahia. L’onde de choc dans les chancelleries étrangères n’épargne même pas les alliés les plus proches du régime algérien. Au sein même du gouvernement, certaines voix cachent mal leur malaise. La perte de confiance sera désormais le maître-mot au sein de la haute administration algérienne en manque de repères, mais risque aussi d’atteindre les rangs de l’armée, où quasiment les mêmes pratiques sont le lot de certains généraux, emportés dans une interminable guerre des clans.
En exhibant un ancien serviteur de l’Etat comme une bête de foire, le régime algérien a montré que rien ne le distingue d’un pays voyou. Ce comportement ignoble et irrationnel vis-à-vis d’un ancien Premier ministre montre qu’il faut se méfier des réactions maladives du régime algérien. Le Maroc devrait se préparer et s’attendre à tout de la part d’un pays où c’est le réflexe qui prévaut et non pas la culture d’Etat.