Tout au long du conflit déclenché en 2011 par la répression des manifestations prodémocratie, la Syrie a servi de champ de bataille aux grandes puissances: la Turquie, les États-Unis, mais aussi l’Iran et la Russie, alliés du président déchu Bachar al-Assad, y sont intervenus pour soutenir des camps rivaux.
Depuis la chute, en décembre, de la dynastie Assad, la Syrie cherche à se reconstruire. Tandis que les alliés de l’ancien pouvoir se désengagent, l’Arabie saoudite mise sur sa manne pétrolière pour accroître son influence.
Riyad a multiplié les signes d’ouverture à l’égard des nouveaux dirigeants islamistes syriens et plaidé activement en faveur de la levée des sanctions américaines imposées de longue date.
Cette offensive de charme vise à «garder la Syrie dans le camp saoudien et l’aligner sur les dossiers liés au Liban, au Hezbollah et à l’Iran», décrypte Umar Karim, expert de la politique saoudienne à l’université de Birmingham.
Elle s’inscrit aussi dans un contexte de lutte d’influence avec le Qatar et la Turquie, soutiens clés du nouveau gouvernement syrien, ajoute-t-il.
La monarchie pétrolière a promis, en juillet, 6,4 milliards de dollars d’investissements pour aider à réhabiliter les infrastructures ravagées et s’est engagée, avec le Qatar, à régler 15 millions de dollars de dettes syriennes auprès de la Banque mondiale.
Elle s’est également engagée à reconstruire des écoles et des hôpitaux, à déblayer les décombres et à livrer 1,65 million de barils de brut à la Syrie.
«Je peux à nouveau utiliser le stylo, dessiner et jouer avec mes camarades», confie à l’AFP Mohammed Hasram, 13 ans, victime d’un engin explosif, en montrant fièrement ses nouveaux membres artificiels fournis par des spécialistes saoudiens dépêchés dans le pays.
«Combler le vide»
L’agence humanitaire saoudienne KSrelief mène de nombreux projets qui touchent «à la vie des citoyens syriens», s’est félicité le ministre syrien chargé des situations d’urgence et des catastrophes, Raed al-Saleh, lors d’un déplacement des représentants de KSrelief à Damas, auquel a assisté l’AFP.
Ces projets «renforcent la position de l’Arabie saoudite auprès des Syriens», a-t-il souligné, qualifiant le royaume de «soutien sur les plans politique, économique et humanitaire».
Pour de nombreux Syriens, comme Ahmad Hood, enseignant à Damas, «l’appui de l’Arabie saoudite aide clairement à reconstruire» la Syrie et offre l’espoir de tourner la page de quatorze années de guerre.
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«Le pays est presque entièrement détruit», a-t-il affirmé à l’AFP lors d’une cérémonie de remise d’ambulances et d’équipements de déblaiement offerts par Riyad, entouré d’une foule brandissant le drapeau saoudien.
Mais, dans la province d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, le commerçant Hamadi al-Rifaï, 40 ans, tempère: «ces investissements sont positifs tant qu’il n’y a pas d’impact politique ni d’ingérence dans les affaires intérieures.»
Pour Rabha Seif Allam, du Centre d’études politiques Al-Ahram au Caire, Riyad «cherche à combler l’immense vide» laissé en Syrie après la chute d’Assad.
Alternative au captagon
Son soutien économique et humanitaire vise à créer «une ligne défensive pour le Golfe, afin d’empêcher la Syrie de replonger dans le chaos ou de s’aligner sur des axes régionaux déstabilisateurs», affirme-t-elle, en référence à la Russie et à l’Iran.
L’Arabie saoudite espère également freiner le commerce du captagon, une drogue de synthèse devenue la principale exportation de la Syrie après le déclenchement de la guerre civile, et dont le royaume est l’un des principaux marchés.
En 2023, Riyad avait normalisé ses relations avec Bachar al-Assad après plus d’une décennie de rupture, dans l’espoir que Damas freine ce trafic.
Depuis sa chute, les nouvelles autorités ont annoncé la saisie de millions de comprimés, mais des pays de la région signalent encore des cargaisons interceptées.
«L’un des objectifs reste l’éradication complète de l’industrie du captagon en offrant une alternative économique légale», souligne Rabha Seif Allam.











