Influenceurs de la haine: la France vent debout, le régime d’Alger s’enfonce dans le déni

Le tandem Abdelmadjid Tebboune et Said Chengriha.

Le tandem Abdelmadjid Tebboune et Said Chengriha.

Dans un communiqué au ton soudain conciliant, le régime d’Alger a réagi après son refus d’accueillir l’un de ses ressortissants sur son territoire, accusé de promouvoir la haine et la violence en France. Il profite de l’occasion pour commenter les lourdes menaces de sanctions dont il fait l’objet. Pour lui, ces représailles sont le seul fait de l’extrême droite française alors qu’à l’évidence, c’est tout l’État français qui entend cette fois «ne rien laisser passer».

Le 13/01/2025 à 16h28

Il y a, d’un côté, une véritable levée de boucliers en France contre le régime d’Alger, coupable d’avoir franchi toutes les lignes rouges, avec comme point culminant la manipulation de sa diaspora par l’intermédiaire d’influenceurs de la haine utilisés au service de son agenda. Alger ne s’y attendait probablement pas, mais la réaction française est aussi intransigeante qu’unanime au sein de la classe politique. Le refus par Alger d’admettre sur son territoire un ressortissant algérien, Doualemn, expulsé par la France, a été la goutte qui a fait déborder le vase. En prime, des sanctions envisagées contre le pouvoir algérien, allant de la suspension de l’aide au développement à l’abrogation de l’accord de 1968 accordant d’exceptionnelles largesses aux Algériens en matière de séjour et de travail en France, en passant par l’abrogation de l’exemption de visas aux passeports diplomatiques dont bénéficient les dignitaires du régime, leurs progénitures, leurs épouses, leurs maîtresses... De l’autre côté, et après s’être empêtré dans un bras de fer contre Paris, mais sans en avoir calculé les conséquences, Alger improvise, hausse le ton mais finit par botter en touche.

Publié samedi 11 janvier, le communiqué-réaction du ministère algérien des Affaires étrangères en apporte la preuve. Volontiers réducteur, il résume la crise sans précédent entre Paris et Alger à l’attitude… de l’extrême droite, «revancharde et haineuse, ainsi que ses hérauts patentés au sein du gouvernement français».

Musclée, la réaction française est, elle, réduite à «une campagne de désinformation, voire de mystification, contre l’Algérie».

Aveux, (fausses) excuses et contradictions

Le pouvoir algérien ne manque pas de se disculper: «L’Algérie n’est, d’aucune façon, engagée dans une logique d’escalade, de surenchère ou d’humiliation», et ce, «contrairement à ce que prétendent l’extrême droite française, ses porte-voix et ses relais» qui «croient y avoir trouvé un exutoire à leurs rancœurs et à leurs frustrations». Tout comme elle reconnait la nationalité algérienne de Doualemn, expulsé vers l’Algérie avec un passeport algérien valide pour propos haineux et incitation à la violence sur le sol français avant d’être renvoyé par Alger en France jeudi dernier.

C’est oublier qu’en agissant de la sorte, l’Algérie fait de Boualem Naman, son vrai nom, un apatride, alors que sa nationalité est établie et confirmée par les autorités de son pays. N’étant pas français, il n’obéit pas aux règles présidant aux OQTF (Obligation de quitter le territoire français) qui ne s’appliquent qu’aux étrangers en situation irrégulière, et non pas aux détenteurs de la double nationalité. Qu’à cela ne tienne, la diplomatie algérienne veut que cette expulsion soit «arbitraire et abusive». Et pour cause, «le ressortissant objet de l’expulsion vit en France depuis 36 ans. Il y dispose d’un permis de séjour depuis 15 ans. Il est père de deux enfants nés de son union avec une ressortissante française. Enfin, il est socialement intégré dans la mesure où il exerce un emploi stable depuis 15 ans». Vivre dans un pays et y travailler lui donne-t-il le droit d’y semer la terreur? À croire l’argumentaire du régime d’Alger, la réponse est oui.

L’hôpital qui se moque de la charité

La diplomatie voisine met en avant les droits auxquels Doualemn peut prétendre en France. Son expulsion, «précipitée et contestable l’a empêché de (les) faire valoir tant devant les juridictions françaises qu’européennes». Et d’ajouter que son ordre d’expulsion, s’il avait été mené à son terme, l’aurait privé de défense lors du procès prévu le 24 février!

«La partie française n’a cru devoir informer la partie algérienne ni de l’arrestation, ni de la mise en garde à vue, ni de la détention, ni encore de l’expulsion du ressortissant en cause. Bien plus, elle n’a pas donné suite à la demande de la partie algérienne d’exercer sa protection consulaire au profit du ressortissant concerné à travers le droit de visite», lit-on encore. Fort bien. Mais quid de cet autre ressortissant, détenteur de la nationalité française, arrêté à l’aéroport d’Alger et porté disparu pendant plusieurs jours avant d’être officiellement incarcéré et poursuivi? Nommons l’écrivain Boualem Sansal, âgé de 80 ans, gravement malade, aujourd’hui sans défense ni aucune forme de droit en Algérie.

Première: de lourdes sanctions en vue contre Alger

Là où le pouvoir algérien fait l’autruche et s’enfonce dans le déni pour minimiser la portée de la colère qui règne en France, c’est quand il accuse «uniquement» l’extrême droite. Or, rien n’est plus faux. Dans les déclarations d’officiels français, à la Une des journaux comme sur tous les plateaux de télévision, une question revient sans cesse et suscite un consensus général: quelles sanctions adopter contre le régime d’Alger? Le champ des possibles est large et les mesures s’annoncent sévères. Il s’agit là d’une véritable première: jamais les tensions entre Paris et Alger n’ont autant fait l’unanimité en France, des responsables de tous bords appelant à des représailles. Seule l’extrême gauche est restée silencieuse.

Le président de la République a été le premier à tirer: l’Algérie se «déshonore» en maintenant Sansal en détention, a-t-il déclaré lundi 6 janvier devant les ambassadeurs français réunis à l’Élysée.

Emmanuel Macron aurait-il rejoint l’extrême droite, lui qui a été porté au pouvoir précisément contre ce courant?

Qu’en est-il de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, issu des Républicains (droite), qui a dénoncé vendredi 10 janvier une volonté de l’Algérie «d’humilier la France» par son refus de récupérer son ressortissant et qui a appelé à une riposte?

Et quid du ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, issu du très conciliant MODEM (Centre), qui a évoqué plusieurs moyens possibles de corriger Alger: les visas, les droits de douane et l’aide publique au développement?

Gabriel Attal, président du groupe Ensemble pour la République à l’Assemblée nationale et secrétaire général du parti Renaissance, n’a rien non plus d’un militant d’extrême droite –il était militant du Parti socialiste de 2006 à 2016. L’ancien premier ministre n’en a pas moins signé, dans les colonnes du quotidien Le Figaro, une tribune au vitriol contre ces influenceurs mais aussi, et surtout, «les provocations et les insultes des hiérarques du régime».

«Face au régime d’Alger, la France doit poser des limites et assumer le rapport de force», écrit-il. Très jeune, débarrassé du boulet de la «rente mémorielle» dont se prévaut l’Algérie, Attal appelle, en «première urgence», à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968. Il rejoint ainsi l’avis de l’ancien premier ministre Édouard Philippe, aujourd’hui patron d’Horizon, un parti de centre droit.

La fin de l’exception sur les visas diplomatiques?

Pour Attal, cet accord est «devenu une filière d’immigration à part entière» et «rend pratiquement impossible de retirer des titres de séjour aux ressortissants algériens, même pour des motifs d’ordre public». Une situation «injuste vis-à-vis des autres pays et injustifiable auprès des Français».

Attal appelle également à «réduire le nombre de visas accordés» aux Algériens, mais aussi et surtout à pénaliser les «hiérarques qui profitent de nos largesses» en abrogeant là encore l’accord qui permet à tous les détenteurs de passeports diplomatiques algériens de se rendre et de circuler librement en France. «Des dignitaires algériens, tout en méprisant notre pays, s’y précipitent pour y voyager ou s’y faire soigner en laissant derrière eux une dette hospitalière à éponger». On admirera au demeurant le silence total des porte-voix du régime d’Alger sur cette tribune alors qu’Attal est président du parti de Macron.

La mesure risque de faire mal. La France insiste. Le ministre de la Justice, lui aussi loin d’être d’extrême droite, Gérald Darmanin, le précisait hier dimanche sur LCI: les bénéficiaires de ces passeports diplomatiques sont nombreux, «il y en a des milliers». Retirer ce «droit» à la nomenklatura algérienne «me paraît plus intelligent, plus efficace et ça peut se faire très rapidement», a développé le garde des Sceaux.

Quand Alger insulte l’extrême droite française mais adoube celle de l’Italie

On l’aura compris, et à quelques exceptions près, la France parle désormais d’une seule voix contre le véritable abus de confiance commis par le régime d’Alger. Fait étonnant néanmoins: alors que celui-ci se cache derrière l’extrême droite française à laquelle il reproche cette «campagne», il n’hésite pas à brandir la carte du grand remplacement de son partenariat avec la France par l’Italie. Il se trouve que l’Italie est menée par le gouvernement le plus à droite depuis 1946 et qu’elle est dirigée par une certaine Giorgia Meloni, dont le parti politique, Fratelli d’Italia, est… d’extrême droite.

Autant dire que le régime d’Alger n’est pas à une contradiction près.

L’une d’elles est justement le retournement de veste du recteur de la mosquée de Paris. Épinglé pour son rôle dans l’embrigadement d’«influenceurs» installés en France et pour sa trop grande proximité avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune (au moins 8 audiences présidentielles lui ont été accordées depuis 2020), Chems-eddine Hafiz a trouvé la parade. Dans un courrier envoyé jeudi 9 janvier aux 150 imams affiliés à la Grande mosquée, le recteur leur demande d’introduire une invocation pour la France à l’issue du prêche de chaque vendredi. L’invocation proposée est: «Oh, Allah, préserve la France, son peuple et les institutions de la République. Fais de la France un pays prospère, sûr et paisible, où la communauté nationale, dans sa diversité, ses différentes religions, ses convictions et ses croyances, cohabite dans la sécurité et la paix». Assez pour se faire pardonner son rôle trouble dans la pire crise diplomatique entre la France et l’Algérie? Rien n’est moins sûr. En France, le coup semble parti et pour le régime d’Alger, rien ne sera plus comme avant.

Par Tarik Qattab
Le 13/01/2025 à 16h28