Après quelques jours d’une relative accalmie, des violences ont été enregistrées dans la capitale, qui est à 80% aux mains des bandes armées. Sur deux routes principales du centre-ville, des habitants ont érigé des barricades pour tenter de se protéger des attaques de gangs mais aussi en signe de protestation, selon un correspondant de l’AFP.
La situation à Port-au-Prince reste «explosive et tendue», a affirmé le bureau des opérations humanitaires de l’ONU (Ocha). Certains habitants critiquent aussi une éventuelle instauration d’un conseil présidentiel de transition, soutenue par la Communauté des Caraïbes (Caricom), l’ONU et les États-Unis.
«Je suis dans la rue maintenant et je suis très en colère», a expliqué à l’AFP François Nolin, en affirmant que «les Américains nous imposent certaines conditions pour diriger le pays. Et ce n’est pas normal». «Les Blancs n’ont pas le droit de se mêler de nos affaires. Car au lieu d’arranger les choses, ils vont les empirer», a renchéri Jesula. Le pays a connu une intervention militaire américaine en 1915 et une épidémie meurtrière de choléra entre 2010 et 2019, introduite par des Casques bleus.
Le couvre-feu nocturne a été prolongé jusqu’à dimanche dans le département de l’Ouest, englobant Port-au-Prince, selon le bureau du Premier ministre qui expédie les affaires courantes. «Il y a plein d’évadés des prisons dans les rues. La situation s’aggrave régulièrement. La décision de déclarer l’état d’urgence en Haïti avec un couvre-feu (...) est louable (...), mais ce n’est pas comme ça que ça devrait être», a déploré Edner Petit, un habitant de Port-au-Prince.
Désaccords
Lundi le Premier ministre Ariel Henry, dont le mandat a été marqué par une montée en puissance des gangs, a annoncé qu’il démissionnait. La nouvelle est intervenue en pleine réunion d’urgence de la Communauté des Caraïbes (Caricom) avec des représentants haïtiens, l’ONU et plusieurs pays comme les États-Unis. Ces groupes ont chargé des formations haïtiennes de mettre sur pied un conseil présidentiel de transition.
Dans un premier temps, les membres du collectif du 21 décembre, le groupe qui a soutenu Ariel Henry, n’ont pas pu se mettre d’accord sur un représentant unique et en ont désigné trois. Mais ils sont en pourparlers pour trouver un candidat de consensus, selon des sources proches des négociations.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken s’est dit vendredi confiant dans le fait que le conseil pourrait voir le jour «dans les jours à venir». Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres «veut que toutes les parties prenantes haïtiennes mettent de côté leurs divergences» pour faire avancer la mise en place des autorités provisoires, selon son porte-parole Stéphane Dujarric.
Aide humanitaire
Le conseil présidentiel de transition doit être composé de sept membres représentant les principales forces politiques en Haïti et le secteur privé. Il doit choisir un Premier ministre intérimaire et nommer un gouvernement «inclusif».
En seront exclues les personnes inculpées ou condamnées par la justice, sous le coup de sanctions de l’ONU, comptant se présenter aux prochaines élections en Haïti et/ou s’opposant à la résolution onusienne sur le déploiement d’une mission multinationale d’appui à la sécurité.
D’après le Programme alimentaire mondial, 44% de la population haïtienne se trouve dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë. Les Nations unies ont indiqué qu’elles allaient mettre en place un «pont aérien» entre Haïti et la République dominicaine voisine pour permettre «la fluidité de l’aide humanitaire». Les États-Unis ont de leur côté annoncé vendredi une aide humanitaire supplémentaire de 25 millions de dollars.