Fraude fiscale: trois ans de prison pour l'ex-ministre français Jérôme Cahuzac

L'ex-ministre s'est vu également  infliger une peine de cinq ans d'inéligibilité.

L'ex-ministre s'est vu également  infliger une peine de cinq ans d'inéligibilité. . AFP

Jeudi, la justice française a condamné l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac à trois ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment dans le cadre du scandale le plus retentissant du mandat présidentiel de François Hollande.

Le 08/12/2016 à 11h50

L'ancien héraut de la lutte contre l'évasion fiscale, qui a notamment détenu un compte secret en Suisse, s'est également vu infliger une peine de cinq ans d'inéligibilité , tandis que son ex-épouse Patricia a été condamnée à deux ans de prison, conformément aux réquisitions lors du procès en septembre.

Pour sa part, la banque genevoise Reyl a été condamnée à une amende maximale de 1,875 million d'euros pour avoir été "l'instrument de la dissimulation des avoirs" de l'ex-étoile montante socialiste. Elle a cependant échappé à une interdiction d'exercer toute activité bancaire en France, comme l'avait demandé le parquet.

Quant au banquier François Reyl, il a été condamné à un an de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende.

En décembre 2012, lorsque le site d'informations Médiapart avait révèlé que le ministre du Budget détient un compte en Suisse, celui qui se présentait comme le chevalier blanc de la lutte contre la fraude fiscale avait farouchement nié.

Pendant quatre mois, il avait démenti "les yeux dans les yeux" auprès de députés, de ministres et même du président français. Mais l'étau judiciaire s'était resserré. Il finira par démissionner le 19 mars 2013 et par avouer le 2 avril.

Ce scandale est le pire accroc à la "République exemplaire" promise par François Hollande pendant sa campagne pour se démarquer de son concurrent, l'ex-président Nicolas Sarkozy, dont le nom est cité dans plusieurs affaires judiciaires.

Depuis, la France a renforcé ses outils contre la fraude et la corruption, avec la création d'une Haute autorité pour la transparence de la vie publique, d'un statut pour les lanceurs d'alerte et d'une agence anticorruption.

Jérôme Cahuzac a renoncé à toute vie publique. A 64 ans, ses proches le disent "brisé", mais dans ses rares confidences le déni n'est jamais loin. Devenir ministre, estimait-il en 2014, a été "l'erreur de ma vie".

Ses justifications au procès -l'argent caché était, selon lui, destiné à financer le courant politique d'un ancien Premier ministre socialiste, Michel Rocard, aujourd'hui décédé-, sont balayées par l'accusation qui épingle un homme pour lequel "la vérité est un mirage".

Le procès a mis à nu les secrets bancaires du couple Cahuzac, divorcé depuis la révélation de l'affaire. Dans les années 90, le couple avait cherché à placer les bénéfices d'une florissante clinique d'implants capillaires qu'il gérait, lui comme chirurgien, elle comme dermatologue.

"On était conscient de l'illégalité" de ces pratiques, a dit à la barre l'ex-épouse, Patricia Ménard, une "femme trahie" qui révélera elle-même aux juges l'existence d'un compte également sur l'île de Man.

Les Cahuzac ont reconnu "une fuite en avant" dans l'opacité offshore, mais nié avoir construit "un système organisé".

Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d'euros. L'argent s'est retrouvé à hauteur de 600.000 euros sur le compte secret suisse de Jérôme Cahuzac (transféré en 2009 de la banque genévoise Reyl vers la Julius Baer à Singapour), de 2,7 millions d'euros sur le compte de l'île de Man géré par Patricia Cahuzac, et pour près de 240.000 euros de chèques versés sur des comptes de la mère de l'ex-chirurgien.

Ce jugement pourrait servir de jurisprudence dans d'autres affaires de fraude fiscale retentissantes, comme celle impliquant les héritiers du marchand d'art Guy Wildenstein, qui seront fixés en janvier, ou celle mettant en cause la petite-fille de la couturière Nina Ricci, dont le procès en appel est en cours.

Le 08/12/2016 à 11h50