La publication du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les Uber Files, coordonné par La France insoumise (LFI, opposition) et visant en particulier Emmanuel Macron, a donné lieu à une passe d’armes avec la majorité.
Le rapport de 600 pages, publié le mardi 18 juillet, pointe du doigt une relation «opaque» nouée par Emmanuel Macron avec la plateforme américaine à son arrivée en France. «La confidentialité et l’intensité des contacts entre Uber, M. Emmanuel Macron et son cabinet témoignent d’une relation opaque mais privilégiée», y compris depuis son accession à la présidence de la République en 2017, selon le rapport.
Le président, ministre de l’Économie à l’époque des faits, poursuit le rapport, avait passé un «deal secret» avec la société: qu’elle renonce à son application controversée Uber Pop (où des particuliers conduisent les clients dans leur voiture), et l’État simplifiera largement l’obtention d’une licence de Voiture de transport avec chauffeur (VTC).
La députée LFI Danielle Simonnet, rapporteuse de la commission d’enquête, décrit comment Uber a «exploité toutes les failles et mis en place un lobbying agressif». Et «oui, un deal a bien eu lieu» avec M. Macron, a souligné la députée de Paris en présentant le rapport à la presse. Des faits judiciairement prescrits, selon elle.
«Comme l’ont confirmé sous serment l’ensemble des parties prenantes lors des auditions, il n’y a jamais eu de deal secret entre Uber et Emmanuel Macron pour favoriser l’implantation de nos services», a répondu la direction d’Uber dans une déclaration à l’AFP.
Parmi les membres de la commission d’enquête, douze députés issus de la Nupes, du groupe Liot ou du RN ont validé le rapport final. Les dix députés Renaissance et leurs alliés, ainsi que l’unique élu LR, se sont abstenus.
«Complotiste»
Sans surprise, l majorité n’a pas mâché ses mots pour disqualifier le rapport. Le président de la commission d’enquête, le député Renaissance Benjamin Haddad, proche d’Emmanuel Macron, a dénoncé une «couverture partisane et complotiste». «L’État n’a pas failli à sa tâche, il a répondu à une tâche complexe (l’arrivée des plateformes) en adaptant la réglementation», selon lui.
«Vous pensiez trouver un complot, vous n’avez trouvé que le droit et la loi», a ensuite lancé à Mme Simonnet le ministre du Travail Olivier Dussopt, lui-même sous lame coup d’un procès pour des soupçons de favoritisme.
La commission d’enquête, lancée il y a six mois, a auditionné 120 personnes dont deux anciens Premiers ministres ainsi que d’anciens dirigeants d’Uber pour tenter de cerner les agissements d’Uber en France entre 2014 et 2017. Seuls les anciens membres du cabinet d’Emmanuel Macron n’ont pas été convoqués.
L’affaire avait été déclenchée par la fuite de 124.000 documents internes recueillis par Mark McGann, ancien lobbyiste pour le compte d’Uber en Europe, et communiqués au journal britannique The Guardian.
Conflit d’intérêts
Toujours selon le rapport, la création de l’Agence de régulation des plateformes d’emploi (Arpe) en 2021, censée réguler le secteur, ne constitue que «la création d’un soi-disant dialogue social» pour éviter une «requalification en salariat de l’activité des travailleurs». Le président de l’Arpe, Bruno Mettling, est lui-même mis en cause pour avoir, quelques mois avant sa nomination, travaillé pour Uber via des missions de conseil.
Plus largement, le rapport déplore l’«ubérisation», soit la libéralisation et la précarisation, de nombreuses professions, au-delà des VTC. Et fait 47 propositions pour mieux encadrer les plateformes mais aussi les pratiques de lobbying.