Longtemps distancé dans les sondages, cet homme de 62 ans au profil austère et effacé a fait une percée fulgurante dimanche, en recueillant 44% des voix, face à un autre ancien Premier ministre, Alain Juppé, à moins de 29%.
Celui qui promet une "alternative totale" a infligé une défaite cinglante à l'ancien président Nicolas Sarkozy, dont il fut le fidèle chef de gouvernement de 2007 à 2012. Il devance aussi le vétéran Alain Juppé, 71 ans, Premier ministre de Jacques Chirac de 1995 à 1997, qui était donné en tête de tous les sondages avant le premier tour.
Et il s'est sérieusement placé pour la présidentielle du printemps 2017, selon les sondages actuels, à prendre désormais avec une grande prudence.
Aujourd'hui, les enquêtes donnent la gauche au pouvoir éliminée dès le premier tour de la présidentielle en avril. Le second tour, en mai, serait alors un duel entre le champion de la droite et la dirigeante de l'extrême droite Marine Le Pen.
A moins que les électeurs français ne les fassent mentir, comme avant eux les électeurs américains ou britanniques qui ont porté le républicain Donald Trump à la présidence américaine ou voté pour le Brexit en Grande-Bretagne.
"L'acte I de la présidentielle s'ouvre dans un climat d'électricité et de passion, du rejet des sortants et d'une envie irrépressible de déjouer les scénarios écrits d'avance", résume lundi le quotidien économique Les Echos.
"Une dynamique puissante est enclenchée", a pour sa part lancé François Fillon dimanche, déjà assuré du soutien de plusieurs ténors de son parti, à commencer par Nicolas Sarkozy.
Un sondage Opinionway dimanche soir le donnait vainqueur à 54% au second tour, devant M. Juppé (46%).
"On verra bien (...) cette semaine quand les programmes seront vraiment confrontés" et "peut-être que les Français réviseront leur jugement", a rétorqué lundi la présidente de la région parisienne Valérie Pécresse, soutien d'Alain Juppé.
Ce dernier a déjà promis un "combat projet contre projet" avec François Fillon, qu'il affrontera lors d'un ultime débat télévisé jeudi soir.
Celui qui n'a jamais caché son admiration pour la dame de Fer britannique Margaret Thacher affiche un programme économique très libéral, promettant notamment la suppression d'un demi-million de postes de fonctionnaires ou encore le resserrement des aides sociales.
Un programme "qu'il ne pourra pas tenir", a fustigé lundi un soutien d'Alain Juppé, l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui conteste la possibilité de mener un quinquennat "sans recruter de fonctionnaires" notamment dans les hôpitaux, la gendarmerie ou la police.
Mais François Fillon, catholique issu de la France provinciale, père de cinq enfants, a su, sur les sujets de société, "s'installer sur les thèmes conservateurs qui ont le vent en poupe", compensant ses thèmes économiques qui ne lui valent qu'un "succès d'estime", analyse Le Figaro après le "raz de marée" en sa faveur.
Il a pris position pour la déchéance de nationalité des Français partis faire le jihad, pour des quotas annuels d'immigrés et pour un amendement de la loi ouvrant le mariage aux couples homosexuels.
Il plaide pour une France forte, qui prendrait "la tête d'un mouvement pour mieux fédérer les Européens autour des questions de sécurité", et souhaite un élargissement de la coalition internationale contre le groupe État islamique et préconise une relation révisée avec la Russie, que l'Occident se doit de traiter "comme ce qu'elle est, c'est-à-dire un grand pays".
Mais dans le camp Juppé, comme à gauche, certains estiment que son succès inattendu est plus lié à sa personne qu'à son programme - "que les Français ne connaissent pas", comme l'a affirmé Benoist Apparu, qui fut secrétaire d'État dans le gouvernement Fillon.
L'homme bénéficie en tout cas d'une image d'honnêteté, n'ayant jamais été impliqué dans des affaires judiciaires contrairement à ses deux principaux concurrents du premier tour.
A gauche, c'est donc son côté "Thatcher français" ou "candidat ultra" que les ténors du parti socialiste ont commencé à cibler.
Et à l'extrême droite, avec en ligne de mire la présidentielle de 2017, le Front national dénonce d'ores et déjà le "projet économique délirant" du potentiel futur champion de la droite.