La fin possible de TikTok à partir de dimanche aux États-Unis inquiète l’industrie américaine de la musique, devenue accro à un réseau social si efficace pour lancer des tubes. En quelques années, la plateforme chinoise de courtes vidéos verticales s’est imposée comme l’outil vital pour découvrir de nouveaux artistes et y mener ses campagnes promotionnelles.
L’arrêt potentiel de TikTok a nourri un sentiment d’«apocalypse marketing», alerte Tatiana Cirisano, spécialiste de l’industrie musicale pour le cabinet MIDiA Research. «TikTok était un espace de ralliement où la popularité pouvait réellement se transformer en un tube», ajoute-t- elle.
Le Congrès américain a donné jusqu’à dimanche à la maison mère de TikTok, le groupe chinois ByteDance, pour céder son joyau s’il ne veut pas voir l’application interdite aux États-Unis. La loi prévoit d’obliger les fournisseurs d’internet et les boutiques d’applications à empêcher TikTok d’être téléchargé après la date butoir.
«TikTok marche si bien»
Dans ce climat d’incertitude et face à la crainte d’un blocage total, des créateurs s’empressent de télécharger leurs vidéos publiées sur la plateforme pour ne pas les perdre. Car, à l’inverse d’Instagram où l’image est centrale, sur TikTok, les découvertes se font avant tout autour du son, rappelle Sarah Flanagan, responsable marketing dans l’industrie musicale. «Cela explique beaucoup pourquoi TikTok marche si bien pour la musique», explique-t-elle.
En cas d’écran noir dimanche ou lundi, l’industrie se pose la question des alternatives. Les «Shorts» de YouTube et les «Reels» d’Instagram, au fonctionnement si proche de TikTok, sont les premières citées. Mais les seconds sont différents, souligne Jahan Karimaghayi du cabinet de marketing Benchmob. «Instagram se rapproche d’une galerie d’art, où vous montrez du contenu à ceux qui vous suivent. Avec TikTok, vous créez du contenu pour des utilisateurs qui ne vous suivent justement pas», souligne-t-il.
Le succès de TikTok vient en effet de son algorithme de recommandation, qui vous montre des publications susceptibles de vous plaire, sans que vous ne suiviez déjà l’auteur. À l’inverse, les «Shorts» de YouTube pourraient mieux fonctionner car la plateforme historique de partage de vidéos est déjà utilisée depuis longtemps «comme un jukebox», estime Jahan Karimaghayi.
L’application chinoise Xiaohongshu, aussi appelée RedNote en anglais, s’affiche ainsi comme une alternative et s’est placée jeudi en tête des téléchargements sur l’AppStore.
«Pression d’être viral»
Un grand «ouf» de soulagement, c’est aussi ce que pourrait provoquer une fermeture de TikTok. Car certains artistes subissent «la pression pour créer du contenu, la pression d’être viral», dit Tatiana Cirisano. Avec l’explosion des vidéos courtes, «les artistes ont soudainement eu l’obligation de créer leur propre format», plutôt que de travailler avec une équipe entière, explique Sarah Flanagan. «Personne ne leur disait quoi faire, comment apparaître “cool”», confirme-t-elle.
Mais, TikTok ou pas, il faudra continuer à produire pour les autres réseaux sociaux. Ce sont eux qui amènent à l’écoute de la musique, «alors que c’était avant l’inverse», souligne Tatiana Cirisano. Et, l’interdiction ne concernant que les États-Unis, les stratégies marketing ne seront pas touchées dans les autres pays du monde. Certains artistes pourraient cependant avoir plus de difficultés à toucher l’immense marché américain en cas d’arrêt de TikTok.
Mais le «changement est parfois une bonne chose», estime Sarah Flanagan, «c’était très limité en termes de créativité lorsque tout le monde voulait juste sortir des chansons sur Tiktok». L’industrie musicale saura s’adapter, espère aussi Jahan Karimaghayi: «Ça va secouer pendant un petit moment, mais les gens vont continuer d’utiliser internet.»