"La salle est pleine, on ne peut pas faire entrer plus de personnes", lance à la foule l'ex-ministre de l'Economie âgé de 39 ans, à son arrivée dans cette salle de sport de Quimper, en Bretagne (nord-ouest).
Jean Yvard, patron de petite entreprise venu comme les autres emmitouflé dans un gros manteau, est venu voir ce qu'il décrit comme un "phénomène social".
A 53 ans, ce Breton a toujours voté à droite mais envisage cette année de donner sa voix à celui qui a quitté en août 2016 le gouvernement socialiste pour se consacrer à son mouvement En marche!, positionné "ni à droite ni à gauche".
"Son contenu, ce n'est pas encore très connu, ca va venir après. Ce qui est connu, c'est son attitude, le personnage", dit-il alors que les derniers espaces de la salle de 2.500 places se remplissent.
Le public de tout âge est tout aussi curieux de voir celui qui, à moins de 100 jours de la présidentielle, réussit à focaliser l'attention au point de vampiriser la campagne pour la primaire de la gauche.
Les sondages le posent désormais en prétendant sérieux, tendance confortée par l'affluence à ses meetings, mais aussi par les récents ralliements de plusieurs personnalités économiques, politiques ou médiatiques.
"A partir de décembre, nous avons commencé à penser que c'était possible, qu'il pouvait gagner", dit un retraité.
Ses fans le voient comme un jeune premier sur une scène politique rebattue, un réformateur doté d'une conscience sociale, un ancien banquier d'affaires capable de comprendre à la fois le monde des entreprises et les banlieues.
Pour ses critiques, cet ambitieux est surtout une "bulle" portée par le vent des médias, un élitiste jamais élu, soutenu par quelques directeurs exécutifs. La candidate de l'extrême droite Marine Le Pen l'a traité de "candidat des banques", de "Justin Bieber de la politique".
Nul ne sait jusqu'où le portera sa dynamique, dans un contexte global agité par l'élection de Donald Trump et le Brexit. Lui-même table sur un "rassemblement des progressistes" pour bousculer le duel annoncé entre le conservateur libéral François Fillon et l'extrême droite. Sa candidature en solo, ajoutée à celle du trublion de l'extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, aggrave en tous cas les divisions d'une gauche en plein désarroi.
Pendant son discours, la présence de dizaines de volontaires en t-shirts blancs souligne un de ses accomplissements: réunir en neuf mois 145.000 adhérents au sein d'un nouveau mouvement.
Le lancement d'En marche, en avril, alors qu'il était encore ministre, avait agacé ses collègues socialistes. Quatre mois plus tard, celui qui avait été surnommé "le Mozart de la finance" démissionnait en dénonçant les "compromis" et les "limites" du système politique.
A Quimper, l'ambiance est sobre et studieuse. Loin du patriotisme voyant affiché par ses rivaux de droite, un seul drapeau tricolore - et un drapeau européen - décore la tribune.
"Le destin de la France est un destin européen", dit-il sous les applaudissements, avant de critiquer les politiciens qui accusent Bruxelles de tous les maux. Son discours de 90 mn passe rapidement sur l'immigration et le terrorisme, autres thèmes de campagne en vogue.
A la sortie, Nadine Griffon, une commerçante de 56 ans qui a toujours voté socialiste se dit conquise par ses idées, par son apparence, sa jeunesse, son énergie dans un pays inquiété par son déclin et en colère contre la classe politique.
"Ca nous fait rêver un peu, et, bon, on a besoin de rêver, surtout quand on voit ce qui se passe aux Etats-Unis", dit-elle.
Mais cet énarque amateur de théâtre et de littérature a ses faiblesses: sa franchise passe pour de la condescendance quand, sur le terrain, il parle de salariés "illettrés" ou de travailleurs "alcooliques". En mai, celui qui se présente toujours en costume-cravate impeccable avait suscité une tempête de commentaires en assenant à un jeune militant que "la meilleure façon de se payer un costard c'est de travailler".