Le sommet entre Joe Biden et Xi Jinping en Californie a permis aux deux chefs d’État de rétablir le contact, sans toutefois dissiper les tensions qui règnent entre les deux grandes puissances. Les relations entre les deux pays seront d’ailleurs rapidement mises à l’épreuve avec les prochaines élections à Taïwan en janvier 2024, sujet sur lequel les États-Unis et la Chine campent sur leurs positions.
«Il s’agissait de la dernière chance pour les deux dirigeants de se parler en tête-à-tête avant 2024 et les élections à Taïwan et aux États-Unis», souligne Dennis Wilder de l’université Georgetown à Washington. «L’objectif global de la réunion était de stabiliser» une relation tumultueuse à défaut de grandes annonces, assure-t-il, car «le niveau de confiance entre les États-Unis et la Chine n’a jamais été aussi bas».
Côté américain, on se disait satisfait jeudi d’avoir rempli d’importants objectifs: la reprise des communications militaires de haut niveau, suspendues depuis plus d’un an, et l’engagement de Pékin de lutter contre le trafic du fentanyl. «Quand on pense au temps que les États-Unis ont passé à travailler sur ce sujet et à la façon dont ils ont insisté auprès des Chinois sur le fait que ces deux questions étaient nos priorités, c’est assez significatif», estime Yun Sun du Stimson Center à Washington.
Côté chinois, les gains semblent moins tangibles, Washington ne cédant rien, par exemple, sur ses sanctions visant à empêcher la Chine d’accéder à des technologies de pointe, ou encore sur la question de Taïwan. Les États-Unis ont tout juste concédé de retirer de leur liste de sanctions commerciales un institut de recherche dépendant d’un ministère chinois, en échange de la promesse chinoise sur le fentanyl.
Mais l’essentiel pour le président Xi était peut-être ailleurs. «Le fait que Xi ait rencontré M. Biden, et la mesure dans laquelle il a fait des concessions, a tout à voir avec le marasme prolongé que connaît actuellement l’économie chinoise», avance Dexter Tiff Roberts du Atlantic Council. Peu après le sommet, il a d’ailleurs retrouvé lors d’un dîner de gala de grands patrons américains dont Tim Cook et Elon Musk, affirmant que la Chine est «prête à être un partenaire et un ami des États-Unis».
Taiwan, au centre des désaccords
Les deux dirigeants se sont également entendus pour décrocher leur téléphone et se parler «directement et immédiatement» en cas de crise. Ils pourraient en avoir vite besoin alors que M. Biden a promis de continuer à livrer une compétition acharnée à la Chine et de consolider ses relations en Asie-Pacifique.
M. Xi quant à lui, jugeait «inévitable» la réunification de Taïwan, qui reste le principal point de friction. Pékin, qui a accru les exercices militaires à proximité du territoire, considère l’île comme partie intégrante de son territoire et conteste la multiplication ces dernières années des contacts entre responsables politiques américains et taïwanais.
Les États-Unis pour leur part s’affichent comme l’allié le plus puissant de Taïwan et lui fournissent quantité d’armes. Et M. Biden a sommé la Chine de «respecter» le processus électoral avant le scrutin présidentiel du 13 janvier. Dans un tournant coïncidant avec le sommet, les deux principaux partis d’opposition de Taïwan ont annoncé s’allier pour l’élection présidentielle. Un changement de pouvoir à Taïwan aurait des «implications considérables», selon M. Sun.
Malgré quatre heures de discussions dans un cadre bucolique près de San Francisco, la sortie du président américain qualifiant une nouvelle fois son homologue de «dictateur» en dit cependant long sur cette entente. Et s’ils ont pu renouer le dialogue mercredi, il restera à être vérifié dans la durée. La rencontre était «plus symbolique, pour redonner une base à la relation jusqu’à la prochaine crise», résume Sue Mi Terry, du cabinet de conseil Macro Advisory Partners.