Le gouvernement espagnol a sommé Carles Puigdemont de dire d'ici 10H00 locales lundi (08H00 GMT) si sa déclaration ambigüe la semaine dernière était une proclamation d'indépendance ou pas.
Dans l'affirmative, ou en cas de réponse évasive, le chef du gouvernement Mariano Rajoy lui laissera un dernier délai jusqu'à jeudi matin pour faire marche arrière avant de prendre le contrôle de la Catalogne, en vertu de l'article 155 de la Constitution.
Cette suspension de l'autonomie risque de pousser dans la rue les Catalans attachés à leur autonomie retrouvée après la dictature de Francisco Franco (1939-1975), même s'ils restent très divisés sur leur volonté d'indépendance.
M. Puigdemont sait aussi que céder à Madrid indignerait les séparatistes.
Les uns après les autres, ses alliés lui ont demandé ces derniers jours de mettre en œuvre le résultat du référendum d'autodétermination du 1er octobre, interdit par la justice, où le "oui" à l'indépendance a recueilli 90 % des voix avec une participation de 43%, selon le gouvernement catalan.
"Son engagement envers ce que les citoyens lui ont demandé le 1er octobre est très clair, c'est pourquoi nous croyons que sa réponse ira dans ce sens", a déclaré dimanche la coordinatrice générale de son parti PdeCAT, Marta Pascal.
La rue aussi se mobilise, avec des concerts de casseroles, et dans la ville de Gérone, dont M. Puigdemont a été le maire, des centaines de personnes se sont rassemblées pour réclamer la République.
M. Puigdemont n'a pas abattu son jeu. En déposant dimanche une gerbe sur la tombe d'un de ses prédécesseurs Lluis Companys, fusillé par Franco le 15 octobre 1940, il s'est contenté de déclarer que sa décision serait "inspirée par son engagement envers la paix, le civisme, la sérénité mais aussi la fermeté et la démocratie".
Le dirigeant catalan avait suspendu mardi dernier la déclaration d'indépendance qu'il avait à peine annoncée pour laisser une chance au dialogue avec Madrid et à une médiation qu'il appelle de ses vœux.
M. Rajoy se dit prêt au dialogue si les dirigeants catalans reviennent à la légalité, mais le numéro deux de l'exécutif catalan Oriol Junqueras a mis les points sur les i samedi: le dialogue ne peut porter que sur l'indépendance de la "République de Catalogne".
Quant à la médiation, M. Rajoy ne veut pas en entendre parler et les Etats membres de l'Union européenne l'écartent pour ne pas affaiblir Madrid et ouvrir la boîte de Pandore des sécessions à travers l'Europe.
Ils répètent d'ailleurs qu'en cas de sécession, la Catalogne quitterait automatiquement l'UE et aurait du mal à revenir face au veto prévisible de Madrid.
M. Puigdemont et son prédécesseur Artur Mas avaient pourtant assuré pendant des années à leurs électeurs que l'Europe était pragmatique et devrait accepter le fait accompli de l'indépendance.
Ils avaient également promis une prospérité nouvelle, une fois que cette région qui compte pour 19% du PIB de l'Espagne cesserait de payer des impôts "injustes" à Madrid. Le slogan était: "l'Espagne nous vole".
Pourtant la perspective de la sécession a fait fuir des centaines de sociétés, à commencer par les deux grandes banques catalanes, qui déplacent leur siège social hors de la région.
Un phénomène qui rappelle l'exode des grandes entreprises canadiennes quand le Québec flirtait avec l'indépendance dans les années 70. Elles ont fui Montréal vers Toronto, pour ne plus revenir.
La menace des poursuites judiciaires pèse aussi sur les leaders séparatistes. Et s'ils disent ne plus reconnaître l'autorité de la Cour constitutionnelle, les membres de la commission électorale du référendum ont démissionné avant le scrutin pour échapper aux lourdes amendes qu'elle allait imposer.
Lundi, le chef de la police catalane, Josep Lluis Trapero, et deux chefs des grands groupes de pression indépendantistes catalans ANC et Omnium, comparaissent pour la deuxième fois devant un juge d'instruction. Ils sont inculpés pour sédition dans leur rôle lors d'une grande manifestation contre la police nationale et pendant le référendum.