Après dépouillement de près de 99% des bulletins, les trois formations indépendantistes disposaient, avec 70 sièges sur 135 au parlement régional, de la majorité absolue.
Le dirigeant séparatiste en exil Carles Puigdemont a salué jeudi soir à Bruxelles la victoire du camp indépendantiste, soulignant que c'est "un résultat que personne ne peut discuter".
Exilé dans la capitale belge, il a recueilli le plus de voix parmi les indépendantistes.
Par le jeu des pondérations de voix profitant aux régions rurales où ils sont bien implantés, les indépendantistes ont la majorité au parlement sans avoir la majorité des voix: 47,6 % des Catalans ont voté pour ces formations, mais 52 % contre. C'est un score semblable à celui de 2015.
Les électeurs catalans, qui ont battu avec près de 82% de votants le record historique de participation dans la région, ont toutefois désigné comme première force politique de la province le parti libéral anti-indépendance Ciudadanos, qui obtient 37 sièges.
A moins qu'ils ne parviennent pas à s'entendre pour former une coalition, les indépendantistes reprendront les commandes de la région que le gouvernement de Madrid leur avait retiré en invoquant pour la première fois l'article 155 de la constitution pour destituer l'exécutif régional et dissoudre le parlement quand ils ont proclamé une indépendance mort-née.
"Monsieur Rajoy, le 155 a perdu, il est définitivement mort et enterré", a lancé à Barcelone Eduard Pujol, un des candidats de la liste de Carles Puigdemont, avant que l'assistance entame l'hymne catalan.
"C'est une sensation étrange", a confié à l'AFP à Barcelone, juste après l'annonce des résultats, Fran Robles, un médecin de 26 ans qui a voté pour l'un des partis indépendantistes. "Nous gagnons en députés mais pas en nombre de voix. Donc chaque camp pourra se proclamer vainqueur. Cela reflète bien la réalité, qui est que la Catalogne est politiquement divisée et que la seule façon de trancher la question est de la poser clairement, dans un référendum".
Aucun incident
Le scrutin s'est déroulé sans incident malgré des semaines de tension, par une journée froide mais ensoleillée.
M. Puigdemont suivait le décompte depuis Bruxelles, où il s'est réfugié avec quatre de ses anciens ministres pour tenter en vain d'obtenir le soutien de l'Union européenne.
Celle-ci soutient fermement le gouvernement de Madrid, craignant ouvertement une contagion du séparatisme dans les États membres.
La position de l'UE sur la Catalogne "ne changera pas", a réagi en milieu de nuit le porte-parole de la Commission européenne.
Carles Puigdemont a formé sa propre liste "Ensemble pour la Catalogne", et disputait les voix indépendantistes au parti ERC de son ancien vice-président Oriol Junqueras, en détention provisoire en Espagne.
Tous deux sont inculpés pour rébellion, sédition et malversation, comme l'ensemble du gouvernement déposé.
"Humilier" le peuple catalan
"Les conditions étaient absolument inégales pour ERC avec un candidat en prison jusqu'au dernier jour", a déclaré à Barcelone Sergi Sebria, porte-parole du parti de M. Junqueras.
Mais, a-t-il ajouté, "le pays est hautement politisé et c'est pour nous une excellente nouvelle. Une haute participation légitime le résultat de ces élections".
Les élections ont été convoquées le 27 octobre par le chef du gouvernement Mariano Rajoy quand il a placé la Catalogne sous tutelle, dissous le parlement catalan qui venait de proclamer l'indépendance, et déposé l'exécutif régional.
Mariano Rajoy tentait ainsi de tuer dans l’œuf une tentative de sécession annoncée depuis deux ans.
Depuis leur victoire aux élections de 2015, les indépendantistes, appuyés par des manifestations massives, avaient poursuivi leur projet en ignorant toutes les décisions de justice.
La crise avait éclaté le 1er octobre quand la police avait réprimé brutalement un referendum d'autodétermination interdit par la cour constitutionnelle. Les images de violence policière avaient fait le tour du monde.
Alors que les premières arrestations pour "rébellion" se produisaient dans le camp indépendantiste, les manifestations succédaient aux grèves, aux blocages de trains ou de routes, jusqu'au saut dans le vide du 27 octobre, quand le parlement catalan a voté, par 70 voix sur 135, la déclaration unilatérale d'indépendance.
Depuis des semaines, les sondages prédisaient un résultat très serré entre indépendantistes et partisans de l'Espagne.
Pour les séparatistes, la mise sous tutelle de leur région pour la première fois depuis la dictature, et les violences policières ne faisaient que renforcer leurs conviction: l’État espagnol n'avait d'autre dessein que "d'humilier", le peuple catalan.
Mais après le référendum et la déclaration unilatérale d'indépendance, une chose avait changé: poussés à s'impliquer face au risque réel de rupture unilatérale, les Catalans "unionistes" ont finalement pris la parole, inondant aussi les rues de leurs drapeaux rouge-jaune-rouge.
Pendant des années, seuls les indépendantistes avaient occupé le devant de la scène, organisant des manifestations géantes.
Le coup de frein brutal aux investissements et au tourisme en Catalogne, ainsi que le déménagement de siège social de quelque 3.100 entreprises hors de la région, avait aussi mobilisé les partisans de l'unité.