Silencieux depuis son dernier tweet dimanche saluant la victoire symbolique du club de Gerone, la ville catalane dont il a été maire, sur le Real Madrid, M. Puigdemont se trouvait lundi soir à Bruxelles, selon un avocat belge, Me Paul Bekaert.
Selon la presse espagnole, le dirigeant séparatiste serait parti dans la capitale belge avec cinq de ses conseillers (ministres), eux aussi destitués par Madrid, comme tout le gouvernement catalan. Il pourrait s'exprimer publiquement à Bruxelles, selon des médias espagnols.
Mais "M. Puigdemont n'est pas en Belgique pour demander l'asile", a plaidé Me Paul Bekaert, interrogé par la télévision flamande VRT, assurant que "sur ce plan rien n'a encore été décidé". "Je lui ai parlé personnellement en Belgique (...) et il m'a formellement désigné comme son avocat", a précisé Me Bekaert.
L'avocat, expert des questions d'asile et ancien défenseur de Basques espagnols membres présumés d'ETA, a cependant reconnu que ce "premier contact" visait à se préparer juridiquement à ce que sera l'attitude de Madrid à l'égard de son client.
Le Parquet espagnol a déposé plainte lundi contre Carles Puigdemont et son gouvernement destitué par Madrid. Ils sont à l'origine du référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre, que les indépendantistes affirment avoir remporté.
Dans sa plainte, le procureur général espagnol accuse les dirigeants indépendantistes d'avoir causé "une crise institutionnelle qui a débouché sur la déclaration unilatérale d'indépendance", et demande leur comparution urgente devant une juge d'instruction en vue de leur inculpation pour "rébellion, sédition et malversation". Il requiert aussi leur arrestation dans le cas où ils ne comparaîtraient pas.
La rébellion peut entraîner une condamnation allant jusqu'à 30 ans de prison, autant que pour un assassinat..
Mais il paraît très improbable que M. Puigdemont puisse obtenir un quelconque statut de réfugié politique en Belgique: "C'est très exceptionnel d'obtenir l'asile pour un ressortissant d'un pays de l'Union européenne", a déclaré à la chaîne francophone RTBF Dirk Van Den Bulck, commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) en Belgique.
Il lui faudrait démontrer "un risque de persécution" en Espagne, et l'impossibilité d'y être protégé, a souligné M. Van Den Bulck.
La déclaration d'indépendance de la Catalogne de vendredi n'a pour l'heure été reconnue par aucun État à l'étranger, et les institutions européennes, solidaires de Madrid, ont assuré à l'AFP qu'aucune entrevue avec Carles Puigdemont n'était prévue à Bruxelles.
En dépit des appels de M. Puigdemont à la résistance "démocratique", les quelque 200.000 fonctionnaires catalans sont passés sans heurts sous la tutelle de l'Etat espagnol, et la région est désormais officiellement administrée par la vice-présidente du gouvernement de Madrid, Soraya Saenz de Santamaria.
"Je crois que les gens vont continuer à travailler normalement", a déclaré lundi un porte-parole du syndicat de fonctionnaires CSIF.
La police catalane a reçu la consigne d'autoriser l'accès aux bureaux des "conseillers" (ministres régionaux) pour qu'ils prennent leurs effets personnels. Et en cas de refus de quitter les lieux, les policiers doivent dresser un procès-verbal à transmettre à la justice.
Dès vendredi le gouvernement espagnol du conservateur Mariano Rajoy avait mis la Catalogne sous tutelle, en application de l'article 155 de la Constitution, jamais utilisé jusqu'ici. Et il avait convoqué des élections régionales pour le 21 décembre.
S'il les juge illégitimes, le parti PdeCat de M. Puigdemont a annoncé qu'il y participerait, arguant que les indépendantistes sont "très attachés à ce que la société catalane puisse s'exprimer".
Quant au parti indépendantiste, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), sans s'engager définitivement, il a estimé que ces élections constitueraient "une opportunité supplémentaire de consolider la république catalane", dont il reconnaît qu'elle est "fragile".
Seul le parti d'extrême gauche CUP, également indépendantiste, n'a pas encore annoncé sa participation à ces élections, regrettant le silence de Carles Puigdemont: "Le peuple veut savoir quelle est la feuille de route du gouvernement (catalan), pourquoi il est à Bruxelles", a ainsi demandé Mireia Boya, l'une de ses députées.
"La société catalane est une société mature, plurielle et diverse et j'ai espoir qu'elle profitera des élections du 21 décembre pour tenter, petit à petit, de reprendre en main une situation qui n'aurait jamais dû atteindre un tel point", a déclaré le président du gouvernement régional basque Inigo Urkullu, lors d'un discours à Montréal.
Selon un sondage du quotidien espagnol El Mundo, réalisé avant la proclamation de la "République catalane" vendredi par 70 députés du Parlement catalan sur 135, les indépendantistes perdraient la majorité au parlement catalan en ne recueillant plus que 42,5% des voix.
La déclaration d'indépendance, proclamée vendredi par 70 députés sur 135 après la tenue d'un référendum interdit, divise profondément la société catalane et inquiète les investisseurs.
Dimanche, des centaines de milliers de partisans de l'unité de l'Espagne sont descendus dans les rues de Barcelone, alors que des dizaines de milliers de Catalans avaient manifesté leur joie vendredi à l'annonce de la naissance de leur "République".
Face à l'insécurité juridique, plus de 1.800 sociétés ont déjà décidé de transférer leur siège social hors de Catalogne, au nombre desquelles deux banques dont les cours ont fortement chuté la semaine dernière.
Les valeurs bancaires reprenaient des couleurs lundi à la Bourse de Madrid où CaixaBank et Banco Sabadell, les deux principales banques catalanes, grimpaient de plus de 4% dans un marché en hausse de 2,5%.