Vendredi matin, suite à l'homicide de Rodolfo Illanes, les piquets de grève et les blocages routiers ont été levés, après trois jours d'affrontements violents avec la police, parfois à coups de dynamite. Deux mineurs y ont trouvé la mort et une vingtaine de policiers ont été blessés.
Le vice-ministre a été séquestré puis assassiné jeudi par des manifestants qui bloquaient un important axe routier à Panduro, village de haute altitude situé à deux cents km au sud-est de la capitale La Paz. Dépêché par le gouvernement, cet ancien avocat venait négocier avec les mineurs qui manifestaient contre une récente réforme du droit du travail.
Son corps a été abandonné enroulé dans une couverture à proximité de la route entre Oruro et La Paz. Il a été emmené vendredi matin dans un institut médico-légal pour une autopsie.
"Nous attendons le rapport final pour en être certains, mais on peut avancer que le décès est dû à une hémorragie cérébrale. Nous sommes en présence de traumatismes au niveau de la tête et du thorax, il y a des côtes fracturées. La scène a été très violente, il y a eu flagellation", a déclaré à la presse le procureur de La Paz, Edwin Blanco.
A l'issue d'une réunion de son gouvernement, le président Evo Morales, visiblement affecté, a vu dans cette mobilisation des coopératives minières "une conspiration politique et non pas une revendication sociale pour le secteur".
“Ingérence”"Je sens que cette conspiration permanente est en train d'utiliser les handicapés, le transport privé et les coopératives" minières pour affaiblir le gouvernement, a-t-il poursuivi. Le président, au pouvoir depuis 2006, fait référence à de récentes manifestations contre son gouvernement par ces différents secteurs. "La semaine prochaine nous allons démontrer qu'il y a bien eu une ingérence, pas seulement de politique intérieure mais également externe", a-t-il ajouté.
Un deuil national de trois jours, sans suspension d'activité, a été décrété dans la foulée. La Fédération nationale des coopératives minières (Fencomin), qui regroupe 60.000 petites associations "sans but lucratif" qui exploitent les gisements miniers, était jusqu'à présent un allié du président Morales.
Sous les mandats successifs du président indigène et leader syndical des cultivateurs de coca, la Fencomin a acquis un grand poids politique: elle compte dans ses rangs des députés, deux vice-ministres et contrôle des dizaines de directions d'administrations.
Les mines sont un secteur ultrasensible en Bolivie car il représente plus du quart des exportations du pays. Il est détenu à 80% par des entreprises d'Etat et à 20% par ces coopératives.
Les dirigeants de la Fencomin maintenaient vendredi un silence complet, qui contrastait avec la vague d'indignation dans le pays et les condamnation du meurtre venues de l'étranger. En parallèle, les services du procureur ont perquisitionné le siège de l'organisation, saisi des documents et arrêté quarante-trois personnes.
Affrontements récurrents Une négociation qui devait avoir lieu entre les représentants de coopératives minières et le gouvernement a été suspendue. Rodolfo Illanes, avocat pénaliste de 56 ans, avait pris son poste de vice-ministre en mars et devait jouer un rôle de médiateur dans ce conflit avec les mineurs.
Depuis plusieurs jours, ceux-ci bloquaient plusieurs routes afin de protester contre une réforme du droit du travail qui instaure, notamment, la création de syndicats au sein des coopératives de mineurs, ce que ces derniers refusent.
Selon le ministre de l'Intérieur Carlos Romero, les propriétaires de concessions minières cherchent en réalité à pouvoir louer à des entreprises privées et étrangères, ce qui est interdit par la Constitution.
Les affrontements sont récurrents dans les exploitations minières en Bolivie autour de la propriété de ces sites, que ce soit entre travailleurs privés et membres de coopératives, entre les coopératives et les ouvriers d?État, ou encore entre les coopératives et les indigènes ou riverains vivant près des sites d'exploitation.