Attentats: la menace des cyber-marionnettistes de Daech

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En recul sur le terrain, ses sanctuaires en Syrie et Irak menacés, le groupe Daech compte de plus en plus sur la manipulation, via internet, d'apprentis-jihadistes pour passer à l'action dans le monde entier, préviennent des experts.

Le 08/02/2017 à 10h35

Ces attaques ou tentatives d'attentats sont parfois attribuées aux fameux "loups solitaires", mais les enquêtes démontrent que dans presque tous les cas; leurs auteurs ont été motivés, encouragés, aidés, téléguidés, parfois à la minute et au mètre près, par des cyber-marionnettistes passés maîtres dans l'art d'inciter leurs adeptes à "frapper les infidèles".

Les routes vers les "terres du Califat", occupées en Syrie et en Irak par Daech étant de plus en plus contrôlées, ils incitent leurs adeptes à frapper là où ils habitent, quitte à mener des actions plus artisanales mais qui n'en sont pas moins mortelles et terrorisantes, comme à Nice ou à Berlin avec de simples camions,

Dans un rapport publié lundi, des experts de l'ONU assurent que "de nombreuses attaques qui semblent avoir été inspirées et revendiquées par Daech sont initialement attribuées à des acteurs solitaires, mais les investigations qui les suivent démontrent que leurs auteurs ont souvent reçu le soutien ou l'aide matérielle d'autres extrémistes".

Le véritable "loup solitaire" qui ne confie ses intentions à personne, ne contacte personne, n'a besoin de personne pour choisir sa cible, trouver ses armes puis passer à l'action est, du coup, certes indétectable mais très exceptionnel.Dans une note récente le cabinet d'expertise new-yorkais Soufan Group écrit: "Le plus souvent, un parent proche ou un ami de l'auteur de l'attaque savait quelque chose à l'avance, ou bien le jihadiste avait reçu via Internet des encouragements, des motivations ou avait communiqué quelque chose à propos de son projet".

Au cours des derniers mois des attentats ont été menés, ou des tentatives déjouées à la dernière minute, notamment en France, en Australie, en Allemagne, en Indonésie, en Inde, en Malaisie et au Bangladesh par des apprentis-jihadistes directement pris en main, via Internet, par des manipulateurs de Daech spécialisés dans ces tâches, basés en Irak ou en Syrie et opérant via des applications cryptés.

"Bien que la reprise (par la coalition anti Daech) des territoires que le mouvement jihadiste contrôle soit cruciale pour parvenir à affaiblir l'organisation, elle va sans aucun doute trouver les moyens de s'adapter", souligne Bridget Moreng, analyste au sein du cabinet Valens Global, basé à Washington.

"L'emploi de coordinateurs virtuels est une stratégie à laquelle le groupe peut avoir recours à long terme, poursuit-elle. Ils peuvent opérer de n'importe où, avec pour seules armes un ordinateur et une connexion internet (.... L'Occident doit se préparer à subir des attaques longtemps après la chute du Califat".

L'un des marionnettistes de Daech les plus réputés, et les plus redoutables, est le Français d'origine algérienne Rachid Kassim, 29 ans. Son nom, ses pseudonymes, les traces de ses connections ont été trouvées par les enquêteurs dans plusieurs affaires, notamment l'assassinat fin juillet en France, par deux jeunes jihadistes, d'un prêtre dans son église.

Quinze personnes, souvent jeunes voire mineures, ont été interpellées et inculpées depuis cet été pour des menaces ou des projets d'attentats inspirés par ses appels au meurtre, le plus souvent publiés sur la messagerie cryptée Telegram.

"Déchire ton billet pour la Turquie, le firdaws (paradis) est devant toi, lançait-il en juillet dans une vidéo. Tu manipules deux ou trois voyous, tu trouves une arme dans n'importe quel quartier".

Au cours d'une enquête au long cours diffusée jeudi, des journalistes de l'émission de France 2, Envoyé Spécial, se sont fait passer pour des jeunes filles radicalisées et ont contacté Rachid Kassim.

"Au niveau des actions que tu voudrais faire, il y en a deux, leur a-t-il lancé dans un message audio. Soit tu essaies de venir ici, soit tu fais un truc de ouf là-bas, si tu vois ce que je veux dire".

Le 08/02/2017 à 10h35