Samedi 14 septembre, Omar Belhadj, président de la Cour constitutionnelle, nommé à ce poste par Abdelmadjid Tebboune en 2020, avec l’incontournable bénédiction du général Said Chengriha, chef d’état-major de l’armée algérienne, a surpris son monde en chamboulant totalement les résultats de la présidentielle déclinés, une semaine plus tôt, par l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). Prise en tenailles par les pressions du régime et un boycott sans précédent, avec un taux de participation situé entre 10%, selon certaines sources, et 23% selon les chiffres officiels qu’elle a fournis elle-même dimanche 8 septembre, l’ANIE s’est distinguée par un cafouillage qui en dit long sur l’échec du régime algérien à donner à Tebboune une légitimité par les urnes. Le président de l’ANIE, Mohamed Charfi a, en effet, évité de donner le taux de participation insignifiant de la présidentielle, préférant parler d’une «moyenne de participation» des wilayas de 48,03%, dès la fermeture des bureaux de vote, qui a été vainement reculée.
On retiendra que Charfi a annoncé un chiffre de 5.630.196 de suffrages exprimés sur 24.551.351 inscrits sur les listes électorales, sans donner ni le nombre de bulletins nuls ni celui des votes blancs. Or les bulletins nuls ayant totalisé 1,7 million, selon la Cour constitutionnelle, cela signifie que l’ANIE, mise sous pression, a comptabilisé ce chiffre avec les voix exprimées en faveur des trois candidats pour gonfler leurs résultats.
Mais la Cour constitutionnelle a fait pire, en faisant un recomptage des voix pour multiplier par deux, voire plus, tous les chiffres qui ont été fournis par l’ANIE.
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Ainsi, le taux de participation qui était de 23% sur la base des résultats fournis par l’ANIE est multiplié par deux, et passe officiellement à 46,1% selon une déclaration faite par le président de la Cour constitutionnelle à la télévision publique algérienne.
Omar Belhadj, peu avare en chiffres gonflés, annoncera surtout que le président Abdelmadjid Tebboune a obtenu 7.976.291 voix, ce qui représenterait, selon lui, 84,3% des suffrages exprimés, alors que l’ANIE l’a crédité de 94,65% des suffrages exprimés. Bien que baissé de 10 points, ce taux n’en reste pas moins stalinien au vu des 2,5 millions de voix ajoutés magiquement à la maigre moisson de Tebboune lors du vote déserté du 7 septembre. Ce tripatouillage réalisé par la Cour constitutionnelle algérienne est un cas d’école: il faut réussir la gageure de baisser de 10% le pourcentage de voix exprimées pour Tebboune, tout en augmentant les votes en faveur du président de 2,5 millions. Sans sourciller, la Cour constitutionnelle fabrique cet exploit.
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Pour faire bonne figure, la Cour constitutionnelle algérienne a également fait preuve de prodigalité envers les deux lièvres de Tebboune. Ainsi, Abdelaali Hassani Cherif, chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP), un parti islamiste, et Youcef Aouchiche, premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), ont obtenu respectivement 904.624 voix (9,56%) et 580.495 voix (6,14%), au lieu des 3,17% et 2,16% annoncés précédemment par l’ANIE.
Les deux lièvres peuvent respirer. Car en dépassant le taux fatidique de 5%, Hassani et Aouchiche, sont ainsi gratifiés par le «système» qui va leur rembourser tous les frais qu’ils ont dépensés durant la campagne électorale où ils ont servi de piètres faire-valoir à Tebboune. Les deux candidats perdants se sont en effet insurgés contre le président de l’ANIE non pas parce qu’ils ont perdu ou parce que les résultats sont falsifiés, mais parce que les voix qu’ils ont obtenues ne les habilitaient pas au remboursement de leurs frais de campagne par l’État.
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Pour en arriver à tous ces gros chiffres, la Cour constitutionnelle a également plus que doublé le nombre de votants qui est passé de moins de 6 millions à 11.226.065 d’électeurs ayant voté le 7 septembre en Algérie et à l’étranger, soit 5.595.869 votants de plus que ceux annoncés par l’ANIE le 8 septembre. La Cour constitutionnelle ne dit pas comment elle a retrouvé 5.595.869 voix disparues. Elle les a sorties de son chapeau!
Cette farce électorale que vient d’assombrir davantage la Cour constitutionnelle en tentant de légitimer le second mandat de Tebboune avec des chiffres qui sortent de nulle part –en tout cas pas des urnes– est révélatrice de la faillite des institutions en Algérie. Un État qui ne repose pas sur des institutions solides et respectables est un État failli. Et on sait que les États faillis ne durent pas.