Fuyant des exactions considérées par l'ONU comme une épuration ethnique, les musulmans rohingyas déferlent au Bangladesh, étranglant cette nation pauvre d'Asie du Sud.
Si le flux s'est ralenti par rapport à début septembre, plusieurs centaines d'arrivées en provenance de l'Etat birman du Rakhine (ouest) ont encore eu lieu lundi et mardi.
L'estimation du nombre de Rohingyas réfugiés au Bangladesh a fait un bond soudain mardi, passant de 436.000 à 480.000. Cette hausse brusque est principalement imputable au recensement de réfugiés qui avaient échappé aux décomptes précédents, ont expliqué mardi les agences de l'ONU dans leur rapport de suivi.
L'exode des Rohingyas a provoqué une crise humanitaire dans le sud du Bangladesh, où la marée humaine a débordé des camps de réfugiés préexistants et surpeuplés.
Autorités et ONG s'inquiètent d'une potentielle bombe sanitaire: les conditions sont réunies pour l'apparition d'épidémies de choléra, dysenterie ou diarrhées.
Sans toilettes, les réfugiés sont obligés de déféquer en plein air, contaminant parfois des points d'eau auxquels d'autres personnes sont susceptibles de s'abreuver. Tout manque cruellement: l'eau potable, la nourriture, les médicaments...
En l'absence de solution politique en vue pour un retour des Rohingyas en Birmanie, les équipes humanitaires planifient d'ores et déjà sur le long terme.
Des travaux ont commencé pour la construction d'un nouveau camp pouvant accueillir 400.000 réfugiés.
Les forces de l'ordre expulsent les personnes campant sur les bords de routes ou dans les champs et des barrages de police filtrent les axes de circulation pour contenir les Rohingyas dans cette zone reculée du Bangladesh.
Submergé, le Bangladesh a assoupli ses restrictions envers les ONG et autorisé trente organisations bangladaises et internationales à intervenir dans les camps pour "un maximum de deux mois".
Le Bangladesh verrouille de longue date l'accès des humanitaires aux camps de Rohingyas, où au moins 300.000 personnes se trouvaient déjà, legs de vagues de violences précédentes.
Les organisations bangladaises avaient l'interdiction d'y opérer, et seules quatre organisations internationales, dont Médecins sans frontières (MSF) ou Action contre la faim (ACF), y étaient présentes.
Pour subvenir aux gigantesques besoins sanitaires, le Bangladesh a sollicité une aide de 250 millions de dollars auprès de la Banque mondiale, a indiqué le secrétaire d'Etat à la Santé Zahid Malek.
Marginalisés en Birmanie, qui les considère comme des étrangers, les Rohingyas fuient une campagne de répression de l'armée birmane consécutive à des attaques de la rébellion rohingya le 25 août.
Le Bangladesh a désormais la lourde charge de gérer un total de 700.000 réfugiés et se trouve diplomatiquement désemparé face à cette crise humanitaire d'ampleur vouée à durer.
Si la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi s'est dite ouverte à des retours de réfugiés, ses critères en restent ambigus.
La crise des Rohingyas a également trouvé un écho de l'autre côté du golfe du Bengale: mardi après-midi, près de la capitale sri-lankaise Colombo, des moines extrémistes bouddhistes se sont attaqués à un local des Nations unies hébergeant des réfugiés rohingyas. Avec quelques dizaines de partisans, ils ont enfoncé la porte de la maison et saccagé le rez-de-chaussée.