«Tunis: Attentat à cibles multiples». C’est le titre du débat quotidien de France5, via son émission phare «C dans l’air», diffusée le jour de l’attentat terroriste ayant visé le musée Bardo à la capitale tunisienne. Un échange qui permet d’apporter un éclairage sur la portée de cette attaque sur l’ensemble des pays de la région, de plus en plus exposés à la menace terroriste.
Pour Frédéric Encel, politologue, auteur de «Géopolitique du Printemps arabe», la Tunisie est une cible de choix pour les terroristes. «Depuis l’ère de Bourguiba, ce pays est attaché à la laïcité, les droits des femmes et la valorisation du savoir, des constances qui exaspèrent les islamistes radicaux», souligne cet expert qui considère «la Tunisie comme l’unique Etat où le Printemps arabe a le moins mal fonctionné». Et d’ajouter: «La défaite du parti islamiste Ennahda aux dernières élections législatives a davantage suscité l’ire de la mouvance radicale qui, à travers cet attentat, vise l’affaiblissement de l’économie tunisienne et l’isolement du pays».
Une analyse que partage également Pierre Servent, présenté comme consultant pour des questions de «défense et de stratégie», ainsi que Mohamed Sifaoui, écrivain islamologue. «L’attentat du musée Bardo a démontré la marque de la nébuleuse jihadiste visant les occidentaux pour créer le chaos dans le pays et l’isoler de la scène internationale. Cet acte aura inéluctablement un impact direct sur le tourisme et la sécurité en Tunisie», constate le premier. «En attaquant des touristes étrangers, les terroristes entendent donner l’éclat médiatique à leur acte, un message de guerre contre les occidentaux et les "impies". A travers cet attentat, l’Etat islamique ou Al Qaida ambitionnent de saborder la transition démocratique en Tunisie, fruit du Printemps arabe», détaille le deuxième.
Ces experts prévoient par ailleurs la recrudescence des actes terroristes pendant la décennie à venir dans la région maghrébine où prospèrent les mouvances jihadistes ayant prêté allégeance à l’Etat islmaique. «Les services de sécurité tunisiens font face à un énorme défi sécuritaire, eu égard à l’implantation de Daech en Libye, une nébuleuse constituée de combattants maghrébins dont des Tunisiens. L’armée tunisienne -débordée aux frontières avec la Libye et l’Algérie par les attaques des groupuscules salafistes- ne peut mettre un terme aux flux d’armes qui pénètrent en Tunisie», a estimé Pierre Servent.
Les invités de «C dans l’air» ont également soulevé la nécessité pour les Etats du Maghreb de coordonner leurs efforts sécuritaires pour venir à bout de la menace terroriste. L’expérience marocaine a ainsi été citée en exemple, estimant que le royaume est le mieux armé pour lutter contre le terrorisme au niveau de la formation et de la surveillance… La stabilité du régime marocain a aussi été plébiscitée: «Le roi Mohammed VI réagit extraordinairement et efficacement après chaque attentat. En mai 2003, après les attentats de Casablanca, il a décidé la réforme du code de la famille garantissant davantage de libertés pour les femmes afin de renforcer tout ce que rejettent les islamistes radicaux et leur opposer un rapport de force», a souligné Frederic Encel. Le régime turc, de son côté, est considéré par cet expert en géopolitique comme complice de Daech. «Il faut absolument tancer ce pays qui joue aujourd’hui un double jeu sur la question de cette nébuleuse», conclut-il.