Affaire Anouzla : Un retrait et des questions

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Poursuivi pour apologie du terrorisme, Ali Anouzla a été entendu mardi par le juge d'instruction. Quelle signification donner au retrait des quatre avocats de la défense du directeur de Lakome ?

Le 22/10/2013 à 15h11

Le juge d'instruction Abdelkader Chentouf a entamé mardi l'interrogatoire d'Ali Anouzla dans le cadre de l'instruction détaillée. En présence de son avocat Me Hassan Semlali, Anouzla a été interrogé sur "l'accusation d'incitation au terrorisme telle que contenue" dans les PV d'audition par la police, a appris Le360 de source judiciaire. Au terme de cette première partie de l'instruction détaillée, Chentouf a reporté au 30 octobre la reprise de cette phase de l'instruction, selon la même source. Par ailleurs, le retrait des quatre avocats de la défense d'Ali Anouzla a laissé d'aucuns bien perplexes.

Abderrahim Jamai, Abderrahmane Benameur, Khalid Sefiani et Naima Guellaf ont créé une énorme surprise lundi en se retirant, expliquant leur départ par le fait qu'un autre avocat, Hassan Semlali, du barreau de Kénitra et ami de longue date d'Anouzla, était venu s'ajouter à leur groupe d'une manière irrespectueuse des règles de la profession. Ils ajoutent que Me Semlali, sans le citer nommément dans leur communiqué, a exécuté des volontés d'Ali Anouzla sans qu'ils en soient informés. Sans le dire explicitement, ces avocats démissionnaires viseraient l'annonce unilatérale d'Ali de fermer le site Lakome. Ceux qui critiquent ce retrait expliquent que Me Semlali est avant tout un ami de Anouzla et son ancien associé quand ce dernier dirigeait un journal. "Ce n'est un inconnu ni de la profession d'avocat ni d'Ali", a observé un avocat du barreau de Rabat sous le couvert de l'anonymat.

Un retrait "mûrement réflechi"

L'argument selon lequel les avocats se sont retirés pour préserver la bonne cohérence au sein de la défense ne tient pas la route, d’après les observateurs. Ces derniers relèvent en effet que, par le passé, des procès d'hommes politiques et de journalistes ont été défendus par des dizaines, voire des centaines d'avocats. Il y avait eu le procès, en 1994, du syndicaliste Noubir Amaoui qui avait été défendu par plus de 1.000 avocats, le procès d'Ali Lamrabet où avaient plaidés des dizaines d'autres, les procès de Rachid Nini pour ne citer que ces exemples de nombreux cas. Au cours de tous ces procès, la cohérence et la cohésion entre ces dizaines d'avocats avaient admirablement fonctionné. Pourquoi alors cette même stratégie n'aurait-elle pu marcher dans ce cas précis d'Ali Anouzla, d’autant qu’il ne s’agissait que de cinq avocats ? 

Contacté par Le360, Khalid Sefiani nous a précisé depuis la Mecque où il effectue le pèlerinage que le retrait des quatre avocats "a été mûrement réfléchi car des décisions ont été prises à l'insu du collectif d'avocats". "Nous sommes allés voir Ali en prison et nous l'avons informé de notre décision, qu'il a acceptée. Il n'y a pas d'autre explication ni d'autre interprétation à donner à ce sujet. Le retrait est justifié, sans connotation politique".

A la question de savoir si ce retrait n'avait pas été dicté tout simplement par le fait qu'Ali tenait à la fermeture du site, une volonté pour laquelle il craignait de ne pouvoir recevoir un appui du collectif, Sefiani a sèchement répondu, balayant d'un revers de la main cette hypothèse : "Notre mission consiste à exécuter la volonté des accusés. Nous n'agissons pas sans le consentement de nos clients. Ce que nous n'avons pas apprécié dans le cas de Ali, c'est de ne pas avoir été informés de tout et c'est tout", a affirmé Sefiani, indiquant qu'il avait "personnellement veillé à la formation de ce collectif d'avocats". "Ali est en face d'un procès politique, la nature du procès est politique. Nous continuerons à défendre la liberté d'opinion et de presse au Maroc", a-t-il ajouté en indiquant qu'après son retour, il fera un geste en faveur d'Ali qui reste tout de même un "ami de longue date".

La décision d’Ali Anouzla de fermer le site Lakome en a surpris plus d'un, laissant un goût amer chez certains qui auraient bien voulu en faire un cheval de bataille pour régler des comptes. Son avocat Semlali a estimé qu'il n'a fait que traduire dans les faits la volonté d'Ali qui estime ne pas pouvoir assumer les responsabilités de gestion du site alors qu'il est en prison. Mardi, alors que le juge d'instruction Abdelkader Chentouf entendait Ali Anouzla dans le cadre de l'instruction détaillée, devant le tribunal de Salé, un groupe de manifestants parmi lesquels Khadija Ryadi de l'AMDH ont réclamé la libération d'Anouzla et l'abandon des poursuites, a constaté un journaliste de Le360.

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 22/10/2013 à 15h11