«C’est une crise mondiale d’une ampleur inédite qui a touché tous les pays, sans exception». C’est ainsi que Aziz Mantrach qualifie la flambée des tarifs du fret maritime qui handicape sérieusement le commerce international depuis plusieurs mois maintenant, en particulier les flux Extrême-Orient-Occident. Même l’Europe, qui compte trois des plus grands armateurs mondiaux, dotés d’une flotte qui représente 65% des flux mondiaux, est touchée de plein fouet par cette crise.
L'origine de cette crise est bien connue, rappelle ce spécialiste du transport maritime. La pandémie de Covid-19 et les confinements, décrétés un peu partout dans le monde, ont occasionné une immobilisation des conteneurs, surtout dans les ports américains et certains ports de l’Europe du Nord. Ce blocage a engendré une rareté des conteneurs disponibles. «De là est partie la flambée du fret, à des niveaux jamais vu dans l’histoire des transports maritimes», explique Aziz Mantrach.
Lorsque l’économie et le commerce mondiaux ont entamé leur incroyable rebond, après la levée des premières mesures restrictives, la demande en conteneurs a explosé. «Il y a tellement de demandes que tous les navires sont pleins, et les taux de fret ont automatiquement augmenté».
Un retour à la normale n’est pas envisageable avant une baisse de la demande mondiale. «Lorsque la demande baissera et que les bateaux se trouveront à moitié chargés, cela va créer de la concurrence entre les armateurs et cela va donc réduire les prix du fret. Cela se produira peut-être dans quelques semaines, ou quelques mois, personne ne le sait», affirme Aziz Mantrach, qui est également président de l’Association professionnelle des agents maritimes (APRAM).
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Il insiste, par ailleurs, sur la nécessité de remettre sur pied une flotte nationale. «La priorité absolue de l’Asmex est de reconstituer la flotte nationale, ne serait-ce que pour des questions stratégiques», indique-t-il.
Une telle flotte sous pavillon marocain permettrait de pouvoir «réquisitionner des bateaux pour les envoyer là où on veut en période de crise». Or, aujourd'hui, déplore-t-il, «nous n'avons pas de flotte».
La flotte nationale, bien que nécessaire, ne peut toutefois pas prémunir le Maroc de la situation de surchauffe actuelle du fret, prévient Aziz Mantrach, à cause du poids des méga-transporteurs qui font la pluie et le beau temps sur le secteur du commerce maritime mondiale. «Les méga-transporteurs sont très puissants, ils ont beaucoup de moyens et arrivent à massifier le fret pour le rendre accessible aux chargeurs. Et le Maroc n'a pas les moyens voulus pour sillonner avec des navires géants toutes les mers et tous les océans pour pouvoir protéger son consommateur, c'est quasiment impossible», explique-t-il.
Le pavillon marocain serait néanmoins très utile sur des niches et des destinations stratégiques, comme l'Afrique, c'est certain», ajoute Mantrach.
En attendant que le fret maritime revienne à une situation normale, les opérateurs marocains du commerce extérieur sont confrontés à une autre problématique, elle aussi source de blocage: le durcissement des procédures d’obtention de visas français pour les chauffeurs marocains de camions TIR (transport international routier).
Dans un courrier adressé la semaine dernière aux autorités marocaines et à l’ambassade de France au Maroc, l’Asmex a alerté sur le blocage des exportations marocaines par voie terrestre, appelant à la mise en place d’un «fast-track» dédié aux chauffeurs de camions TIR, afin d’obtenir ou de renouveler leur visa Schengen dans les plus brefs délais.
"Nous souffrons déjà du problème de rareté des bateaux et de disponibilité des containers, si en plus on prive les chauffeurs de TIR des visas nécessaires pour l’acheminement des produits vers l’Europe, cela va handicaper nos exportations", a souligné le vice-président de l'Asmex, qui rappelle que chaque année, entre 250.000 et 300.000 camions TIR traversent le détroit de Gibraltar pour se rendre en Europe. «Avec un mois d'attente pour obtenir un visa, c'est quasiment impossible d'exploiter un camion entre le Maroc et l'Europe», ajoute-t-il.
«Ces transporteurs routiers à l'international étaient les soldats du front durant le confinement. Ils étaient les seuls à traverser les frontières européennes pour aller livrer des produits de première nécessité ou des médicaments», tient-il à rappeler. Aujourd’hui ces mêmes transporteurs sont privés de visas multi-entrées valables sur plusieurs mois, voire années, leur permettant d’exploiter dans de bonnes conditions leurs camions.
En attendant que le tout nouveau gouvernement de Aziz Akhannouch se penche sur la question, Aziz Mantrach a bon espoir que la situation puisse se décanter rapidement, d’autant que le lancement de la campagne d’exportation des agrumes et primeurs est imminent.
«Nous sommes très optimistes. Je suis persuadé que nos amis européens, notamment leurs représentations diplomatiques ici, ont écouté notre doléance. Je suis sûr qu'ils ne voudront pas pénaliser l'exportation marocaine et qu’ils vont certainement trouver une solution très rapidement pour donner aux chauffeurs un fast track qui leur permet d'avoir des visas rapidement et de continuer à exploiter les lignes routières à destination des pays de l'Union européenne», confie-t-il.