Au cœur des enjeux environnementaux, la gestion des déchets au Maroc représente un véritable casse-tête pour les autorités, mais aussi les professionnels. Confronté à un gisement diversifié, le pays doit naviguer entre les exigences environnementales et les défis liés à la collecte et au traitement de ce qui est considéré par les acteurs du secteur du recyclage comme «des matières premières».
Selon une étude relative à la mise en place d’un écosystème vert, commanditée par le ministère de l’Industrie, le gisement total des déchets au Maroc, qui a atteint 26 millions de tonnes, est réparti entre 7,4 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés, à raison de 5,9 millions de tonnes dans le milieu urbain et 1,5 million de tonnes dans le milieu rural (DMA, 28% du gisement total), 5,4 millions de tonnes de déchets industriels (DI, 20% du gisement total) et 14 millions de tonnes de déchets de construction et de démolition (DCD, plus de la moitié du gisement total). Cette diversité pose des défis uniques en termes de collecte et de traitement, exacerbés par la répartition géographique inégale des déchets.
Ces volumes évolueront à 39 millions de tonnes en 2030, selon les prévisions. Ce gisement sera alors composé de 11,8 millions de tonnes de DMA (30% du gisement total), 12 millions de tonnes de DI (près de 30% du volume total) et 15,6 millions de tonnes de DCD (40% du gisement total).
Répartition du gisement des déchets par type (Source: étude relative à la mise en place d’un écosystème vert)
Type de déchets | Volume (en million de tonnes) | Projection 2030 (en million de tonnes) |
---|---|---|
Déchets ménagers et assimilés (DMA) | 7,4 | 11,8 |
Déchets industriels (DI) | 5,4 | 12 |
Déchets de construction et de démolition (DCD) | 14 | 15,6 |
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D’après les chiffres fournis par cette même étude, près des trois quarts des DMA et DCD produits sont concentrés au niveau de cinq régions. Il s’agit de Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Fès-Meknès, Tanger-Tétouan-Al Hoceima et Marrakech-Safi. En parallèle, trois quarts des DI sont concentrés dans seulement deux régions, à savoir Casablanca-Settat (60%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (12%).
Répartition du gisement des déchets dans chaque région (Source: étude relative à la mise en place d’un écosystème vert)
Région | Déchets de construction et de démolition (en %) | Déchets industriels (en %) | Déchets ménagers et assimilés (en %) |
---|---|---|---|
Casablanca-Settat | 26 | 49 | 25 |
Tanger-Tétouan-Al Hoceima | 75 | 11 | 14 |
Rabat-Salé-Kénitra | 65 | 6 | 29 |
Marrakech-Safi | 61 | 6 | 33 |
Fès-Meknès | 52 | 11 | 37 |
Oriental | 64 | 8 | 28 |
Souss-Massa | 13 | 34 | 53 |
Drâa-Tafilalet | 65 | 5 | 30 |
Béni Mellal-Khénifra | 31 | 11 | 58 |
Laâyoune-Sakia El Hamra | 78 | 10 | 12 |
Guelmim-Oued Noun | 71 | 5 | 24 |
Dakhla-Oued Ed-Dahab | 69 | 10 | 21 |
Seulement 5% des déchets ménagers sont valorisés
Malheureusement, la gestion actuelle des déchets au Maroc laisse à désirer. Près de 95% des DMA finissent enfouis ou dispersés dans la nature, en raison du manque de tri à la source et de l’utilisation de décharges non adaptées. Ainsi, seulement 5% de ces matières sont valorisées, collectées principalement par des délégataires et des chineurs.
La situation n’est guère meilleure pour les DI, dont moins de 15% du volume est valorisé. De leur côté, les déchets dangereux, qui représentent entre 10% et 20% du gisement des DI, sont souvent triés dans les décharges publiques ou les centres de tri.
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S’agissant des DCD, qui constituent une part substantielle du gisement total de déchets, avec 85% issus des travaux publics, on apprend que leur tri sur les chantiers est quasiment inexistant (un taux de moins de 5%).
Un volume de 95% du gisement des DCD est donc collecté par le circuit informel et déposé, sans tri, à la décharge, à l’air libre ou dans des carrières. Les collecteurs ne sont donc soumis à aucune autorisation et ne suivent aucune norme malgré le volume conséquent de ces déchets et leur niveau élevé de dangerosité.
Pour rappel, le Maroc a l’ambition d’atteindre, à l’horizon 2023, un taux de valorisation de 65% de ses déchets. Cela nécessite un appui à l’investissement visant à accroître l’offre en termes de quantité et de qualité. Le soutien au développement de la recherche et développement (R&D) est également nécessaire pour favoriser l’innovation dans ce domaine. De plus, il est essentiel de stimuler le marché des matières recyclées en suscitant l’intérêt des entreprises et des consommateurs pour ces produits.