En début de semaine, la chaîne Al Aoula a rendu public son appel d’offres pour ses contrats de production exécutive ou de co-production. Pas plus de 8 projets (téléfilms, sitcom et séries) que devraient se disputer la centaine de sociétés de production marocaines et dont le budget estimatif global s’élève à 33,5 millions de dirhams. “C’est risible !, s’insurge Mouad Ghandi, gérant-associé à Connexion Médias, une des boîtes de prod’ les plus actives du marché. C’est curieux de voir les prix chez Al Aoula baisser de 10 à 15% d’année en année”.
La chaîne 2M en revanche, se montre relativement plus généreuse. Son appel d’offres publié, au début du mois de juillet, met en concurrence les producteurs sur 19 projets, totalisant une cagnotte de 68,5 millions de dirhams. Et la grille tarifaire appliquée à la chaîne de Ain Sbaa est plus attractive que celle de la vieille dame de Dar Lebrihi. Exemple : alors qu’une sitcom prête à diffuser (PAD) sur 2 M est proposée à 330 000 dirhams par épisode, Al Aoula n’offre pour le même produit que 220 000 dirhams…
Une différence qui pourrait à elle seule, suffire à expliquer l’écart de qualité entre les programmes proposées par les deux chaînes et qui se traduit de facto, par un décalage énorme dans les chiffres d’audience. En effet, alors que 2M a réalisé des scores historiques durant le Ramadan dernier (avec des pics à 60% de parts d’audience), Al Aoula poursuit sa descente aux enfers et continue de perdre des téléspectateurs (un maximum de 13%). La différence de qualité pourrait également se justifier par les délais accordés aux producteurs : 2M leur a laissé près de douze semaines pour soumettre leurs offres, pour le prochain appel d’offres ; alors qu’Al Oula s’y prend visiblement en retard et ne leur accorde que six semaines.
Un volume d’affaires insuffisant
Entre ces deux appels d’offres, c’est donc une manne de 102 millions de dirhams qui devrait tomber dans les caisses des sociétés de production. Mais encore faut-il les encaisser. “J’ai des factures en millions de dirhams échues, mais j’attends toujours le règlement de la part des chaînes, nous confie un producteur sous couvert d’anonymat. On passe plus de temps à jouer aux équilibristes pour régler des problèmes de trésorerie qu’à réfléchir à des concepts innovants”. Le volume d’activité offert par les deux chaînes reste généralement en deçà des espérances de certains producteurs. “Ce qui a été jusque-là lancé en appel d’offres reste inférieur à la proportion de programmes que les chaînes doivent externaliser en vertu des dispositions de leurs cahiers des charges”, souligne Mouad Ghandi. Et d’ajouter : "On ne comprend pas d’ailleurs, pourquoi la vingtaine de lots déclarés infructueux lors des anciens appels d’offres ne sont pas remis sur le marché ?”. Mis en place avec l’entrée en vigueur des nouveaux cahiers des charges des chaînes du pôle public, fin 2012, ce système d’appel d’offres ne semble pas avoir trouvé un mode de fonctionnement idoine. D’ailleurs certains producteurs ont tendance à le contourner : ils sollicitent directement des sponsors pour financer des émissions qu’ils proposent par la suite aux chaînes qui rétribuent leurs annonceurs en espace publicitaire. Exemples : Master Chef et Fort Boyard, deux émissions phares attendues à la prochaine rentrée de 2M, ont été réalisées grâce à ce montage financier.