Taux directeur: la Banque centrale marocaine joue la patience stratégique

Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib.

Revue de presseÀ la veille de son Conseil du 23 septembre, Bank Al-Maghrib navigue entre prudence et opportunité. Alors que la croissance nationale reste solide et que l’inflation demeure contenue, l’environnement international impose vigilance et stratégie. Entre soutien à l’économie et protection contre les chocs externes, la Banque centrale semble privilégier la patience. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Les Inspirations Eco.

Le 22/09/2025 à 20h04

À quelques jours de sa réunion de septembre, la Banque centrale du Maroc évolue sur un terrain délicat. La conjoncture nationale offre des atouts exceptionnels croissance robuste, inflation maîtrisée et demande intérieure soutenue. Mais le contexte mondial est plus incertain, marqué par la volatilité des prix de l’énergie, les tensions géopolitiques au Moyen-Orient et les incertitudes commerciales internationales. «Entre la nécessité de soutenir l’activité économique et celle de se protéger contre les chocs extérieurs, Bank Al-Maghrib devrait opter pour une posture attentiste », prédit le quotidien Les Inspirations Eco.

Citant BMCE Capital Global Research (BKGR), le quotidien indique qu’un statu quo semble probable pour le taux directeur lors du Conseil du 23 septembre. Dans sa note Flash Strategy, BKGR explique: «En dépit d’une inflation sous contrôle, l’intensification des risques géopolitiques, susceptibles d’influer sur les cours des matières premières, incite à la prudence».

Le scénario central prévoit donc un maintien du taux directeur, tout en laissant la porte ouverte à une baisse d’ici la fin de l’année si l’inflation le permet. Cette prudence est renforcée par le contexte international. La Banque centrale européenne a choisi de marquer une pause après un cycle de baisses, la Réserve fédérale américaine reste ferme et plusieurs pays émergents temporisent. Pour le Maroc, l’enjeu est double: maintenir sa crédibilité anti-inflation tout en restant aligné sur les cycles monétaires mondiaux et en gardant une flexibilité pour soutenir l’économie si l’occasion se présente.

«Les chiffres macroéconomiques confortent cette option d’attente», note Les Inspirations Eco. Après une progression de 4,8% au premier trimestre, le PIB a crû de 4,6% au deuxième trimestre et devrait s’établir autour de 4,4% au troisième. Les services demeurent le principal moteur, suivis par la construction, les industries extractives et l’agriculture. La demande intérieure reste soutenue. BKGR a ainsi relevé sa prévision de croissance pour 2025 à 4,5%, proche de celle de Bank Al-Maghrib (4,6%).

Côté budget, le déficit s’est creusé à 54,1 milliards de dirhams à fin août, contre 32,8 milliards un an plus tôt, reflet d’un calendrier d’exécution particulier. Les recettes ordinaires ont bondi de 18,7% à 271,6 milliards de dirhams, tandis que les dépenses ordinaires ont progressé de 16,5 % à 252 milliards de dirhams, et les charges de compensation ont reculé de 19,2 % à 6,5 milliards de dirhams,. Bank Al-Maghrib projette un déficit maîtrisé à -3,9% du PIB en 2025, puis -3,4% en 2026.

À fin juillet, l’inflation générale progresse de seulement 0,5% sur un an et recule de 0,1% sur un mois. L’inflation sous-jacente se situe à 0,9%. Cité par Les Inspirations Eco, un expert commente que «le Maroc bénéficie pour l’instant d’une combinaison rare de croissance soutenue et de faible inflation. Mais l’équation reste fragile, car nous dépendons du marché mondial des matières premières et des conditions climatiques».

La poursuite de cette détente des prix dépendra de l’évolution des cours des matières premières, des tensions géopolitiques et des conditions météorologiques, qui conditionneront la marge de manœuvre pour un éventuel assouplissement monétaire supplémentaire.

La réduction de 25 points de base du taux directeur en mars continue de produire ses effets. Le taux débiteur moyen global est revenu à 4,84 % au deuxième trimestre et l’encours des crédits bancaires progresse de 4,9 % sur un an, à 1 166,4 MMDH fin juillet. «Le flux de crédit progresse à un rythme soutenu, preuve que les mesures d’assouplissement se transmettent à l’économie réelle. Cela conforte la Banque centrale dans sa stratégie graduelle», souligne un analyste, également cité par le quotidien. Le Trésor bénéficie également de cette détente, le coût d’endettement reculant sur le marché primaire, signe que les investisseurs anticipent déjà un statu quo.

Pour les entreprises, la baisse des taux desserre l’étau financier et soutient la demande. Pour les ménages, l’assouplissement du crédit stimule consommation et investissement immobilier. Pour le Trésor, la détente réduit le coût du financement, offrant davantage de marge budgétaire. La question clé reste la temporalité: tant que l’inflation reste maîtrisée, un assouplissement supplémentaire ne compromettrait pas la stabilité des prix. Mais pour le Conseil de septembre, la Banque centrale devrait privilégier la patience stratégique.

Par La Rédaction
Le 22/09/2025 à 20h04