Grosse polémique autour l’article 8 bis qui a été introduit par le gouvernement dans la Loi de finances. Dans son édition de ce mardi 23 mai, L’Economiste définit la mesure comme un moyen de placer l’Etat et les collectivités territoriales au-dessus de la loi. Et pour cause, elle leur accorde la possibilité, en cas de jugement définitif au profit d’un tiers, de régler les indemnités dues selon la disponibilité des crédits dans un délai de 60 jours.
En cas d’insuffisance de fonds, l’ordonnateur peut budgétiser le reliquat sur un ou plusieurs exercices. Le pire est «qu’il est sera impossible de saisir les biens et les moyens financiers de l’Etat et des collectivités territoriales pour garantir le paiement des créances et autres indemnités» exigibles.
Le journal rappelle que le gouvernement avait déjà tenté d’intégrer ce même amendement en 2015, mais sans succès puisque le texte a finalement été retiré. Pour le législatif, ce dispositif tient au fait que «l’exécution des jugements contre l’Etat et les collectivités territoriales soit souvent retardée par des contraintes budgétaires et la complexité des procédures de règlement, liées aux dispositions de la comptabilité publique». D’autant plus en «l’absence d’une procédure claire en matière d’exécution des jugements contre l’Etat et les collectivités territoriales».
Pour les détracteurs de cet amendement, le fait de pouvoir unilatéralement échelonner le règlement d’indemnités ou de toute autre obligation (dettes, indemnités de licenciement…) sur plusieurs années est la porte ouverte à tous les abus. Pour Abderrahim Bouhmidi, professeur de droit cité par L’Economiste, «l’ordonnateur sera seul maître à bord puisqu’il aura tous les pouvoirs de décider du fractionnement du paiement et pourra fixer à sa guise le nombre d’échéances de règlement.
Alors que le citoyen n’aura aucun moyen pour vérifier si l’Etat ou une collectivité territoriale dispose ou non de suffisamment de crédits». Il estime aussi qu’introduire une disposition rendant insaisissables les biens et les finances de l’Etat et des collectivités territoriales «signifie qu’il ne peut plus payer les indemnités judiciaires et qu’il veut fuir ses responsabilités».
Et contrairement à l’article 126 de la Constitution qui met les justiciables sur un pied d’égalité, l’amendement met l’Etat dans une situation d’exception judiciaire, étant donné qu’il ne sera plus possible saisir ses biens pour garantir leur indemnisation.