Maroc-Chine: quand l’économie devient levier d’influence stratégique

Les drapeaux du Maroc et de la Chine. DR

Revue de presseLe Maroc s’impose comme un point d’ancrage clé pour la stratégie chinoise en Afrique du Nord. Entre investissements massifs, transferts technologiques et projets industriels, Pékin étend son influence économique et culturelle. Mais derrière ces coopérations visibles se déploie également une stratégie plus subtile, celle de la guerre cognitive et de la promotion d’un modèle alternatif de gouvernance. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Les Inspirations Eco.

Le 24/09/2025 à 20h12

La présence chinoise au Maroc se renforce à un rythme soutenu. L’usine de batteries Gotion High-Tech en construction à Kénitra, l’activité de Huawei dans le secteur des télécommunications, ainsi que plusieurs projets industriels et énergétiques planifiés depuis le début de l’année, illustrent cette dynamique. «Le Royaume est devenu un point d’ancrage stratégique pour Pékin en Afrique du Nord, ouvrant la voie à une influence qui dépasse largement le cadre économique», résume le quotidien Les Inspirations Eco, citant une étude récente, «Les stratégies d’influence des entreprises chinoises en Afrique francophone : entre partenariat économique et guerre cognitive», publiée dans Geopolitics and Geostrategic Intelligence.

Menée par Zakaria Chraiha, doctorant à l’Université Hassan II de Casablanca, et Ghizlane Salam, professeure d’économie dans la même institution, l’analyse permet de comprendre comment le modèle chinois s’adapte aux contextes locaux et ce qu’il implique pour le Maroc.

Les chercheurs soulignent l’ampleur des investissements chinois, estimés à 45 milliards d’euros entre 2020 et 2025 dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne. Ces financements se concentrent principalement sur les télécommunications (35%), l’énergie (28%), les transports (22%) et l’industrie manufacturière (15%).

Mais l’approche chinoise ne se limite pas à l’injection de capitaux, relève le quotidien. Elle inclut également des transferts technologiques, des programmes de formation et la création de zones économiques spéciales, véritables laboratoires du modèle de développement chinois adaptés aux réalités locales. «Les entreprises chinoises contribuent significativement à la formation des employés locaux et au transfert de technologies, créant des effets d’apprentissage durables qui dépassent la simple création d’emplois», rappellent les auteurs.

Au Maroc, cette logique se retrouve dans plusieurs projets industriels qui prévoient eux aussi des transferts de savoir-faire et la montée en compétence des équipes locales, consolidant l’intégration du pays dans les chaînes de valeur chinoises.

Au-delà des aspects économiques, l’étude met en lumière une dimension moins perceptible mais tout aussi stratégique: la guerre cognitive et informationnelle. Pékin agit sur les perceptions et les récits pour renforcer son influence et concurrencer les narratifs occidentaux.

«Cette stratégie repose sur trois leviers principaux. Le premier repose sur les médias et des narratifs alternatifs. Les chaînes et agences internationales chinoises, comme CGTN et Xinhua, diffusent des récits qui contestent les versions occidentales notamment», écrit Les Inspirations Eco.

Le deuxième s’appuie sur les infrastructures numériques. Les équipements déployés par Huawei ne servent pas uniquement à des fins commerciales. Ils ouvrent également la possibilité de contrôler certains flux d’information et de données.

Le troisième axe est la diplomatie éducative et culturelle. Les Instituts Confucius et les programmes de bourses universitaires façonnent les futures élites africaines, en les sensibilisant aux valeurs et méthodes chinoises, lit-on encore. Au Maroc, la multiplication des coopérations académiques et culturelles avec la Chine illustre cette stratégie, où l’influence se joue autant sur les infrastructures que sur l’esprit des générations futures.

Enfin, la dimension institutionnelle et normative de l’influence chinoise mérite une attention particulière. Le «consensus de Pékin», fondé sur la non-ingérence, le pragmatisme économique et la mise en avant de modèles alternatifs à ceux de l’Occident, se pose comme un contrepoids au «consensus de Washington».

L’étude souligne que cette approche vise à promouvoir le modèle chinois comme une alternative crédible aux standards occidentaux. Pour le Maroc, qui cherche à diversifier ses partenariats internationaux, cette dynamique offre des opportunités, mais pose également la question de l’équilibre stratégique entre bénéfices économiques et dépendance potentielle.

En définitive, l’influence chinoise au Maroc ne se résume pas aux investissements et aux projets industriels. Elle s’inscrit dans une stratégie globale combinant économie, formation, culture et narration, capable de redessiner les équilibres régionaux et mondiaux et de proposer un modèle alternatif de développement et de gouvernance.

Par La Rédaction
Le 24/09/2025 à 20h12