Sans infrastructures capables d’absorber les volumes à la sortie des ports, les atouts maritimes du Maroc se diluent dans les files d’attente, les trajets de contournement et les surcoûts de manutention. Le constat est du magazine Finances News Hebdo, qui cite la dernière enquête nationale de l’Agence marocaine de développement de la logistique (AMDL).
Le pays compte plus de 20 millions de m² d’immobilier logistique, répartis entre quelque 13.000 entrepôts. Mais la surface moyenne ne dépasse pas 1.360 m², et six entrepôts sur dix font moins de 1.000 m², un format incompatible avec les besoins de l’industrie de masse.
Les grands chargeurs, faute de bâtiments «grade A», optent pour des solutions improvisées qui pénalisent la productivité, la traçabilité et, in fine, la compétitivité. Certains pôles donnent pourtant un aperçu du potentiel. Au nord, Medhub poursuit l’extension de la zone logistique de Tanger Med avec de nouveaux modules de 40.000 m² et 11 m de hauteur libre, livrés en flux tendu pour l’automobile et le e-commerce, lit-on. Dans le Grand Casablanca, une plateforme logistique «nouvelle génération», lauréate des Moroccan Logistics Awards 2024, met en avant sprinklers, racks automatisés et toiture photovoltaïque. Mais elle reste une exception.
Dans le Souss-Massa, les zones franches et industrielles misent sur des lots mixtes usine-entrepôt, rapprochant production et stockage. Le secteur le plus en déficit reste le stockage frigorifique. À peine 4% des volumes périssables produits annuellement peuvent être conservés dans des conditions optimales.
Des initiatives émergent. Le site Agricold, par exemple, offre 25.000 palettes et couvre 40% de ses besoins électriques grâce au solaire. Agadir doit accueillir fin 2025 un entrepôt frigorifique de dernière génération, financé par un opérateur américain à hauteur de 9,3 millions de dollars.
Pour désengorger les routes, l’ONCF développe trois ports secs reliés à Casablanca, Fès et Marrakech, et prévoit d’en implanter d’autres le long des futurs axes ferrés vers Nador et Béni Mellal. «Ce maillage, soutenu par la BEI et l’IFC, pourrait réduire de 25% le coût moyen d’acheminement intérieur conteneurisé tout en fluidifiant les terminaux portuaires», explique Finances News.
Une chose est sûre, la dispersion des entrepôts empêche les économies d’échelle. La priorité serait de développer de grands clusters logistiques intégrés, d’au moins 50 hectares, à proximité directe des échangeurs autoroutiers et ferroviaires. Tanger Med a montré qu’un loyer compétitif inférieur à 45 DH/m²/mois devenait viable dès lors que le taux d’occupation dépasse 85%.
Le ministère du Transport et de la Logistique finalise un référentiel unique pour les nouveaux permis, assorti d’un bonus fiscal de 10% sur l’IS pendant cinq ans pour les entrepôts certifiés «grade A». La généralisation de systèmes WMS en mode cloud, interopérables avec PortNet, permettra de passer d’une traçabilité palette à palette à un suivi à l’unité de vente, essentiel pour l’e-commerce et la sécurité sanitaire. Les nouvelles zones d’activités imposent déjà une fibre redondante et le pré-câblage 5G en intérieur.
«Si ces mesures sont appliquées, le prix moyen du stockage pourrait reculer de 17%, et 80% des expéditions industrielles pourraient atteindre les ports en moins de six heures», note Finances News Hebdo. À cette condition seulement, les investissements colossaux dans Tanger Med, Nador West Med et la future LGV sud se traduiront en marges exportatrices plutôt qu’en files d’attente. Un défi qui relève autant de l’ingénierie que de la gouvernance.








