Dans son rapport, la Cour des comptes met l'accent sur un déphasage entre objectifs, besoins et modulation inadaptée des incitations fiscales, rappelant que l’Etat a donné le coup d’envoi, respectivement en 2008 et 2010, au programme de production du logement social à 140.000 DH et 250.000 DH. "Et il a fixé, comme objectifs, de produire 130.000 logements à 140.000 DH sur la période 2008-2012 et 300.000 unités à 250.000 DH à l’horizon 2020", souligne le rapport, ajoutant qu’"il est délicat de retracer avec précision sur quelle base ces objectifs ont été fixés, puisqu’ils ne concordent pas avec la nature et le volume des besoins identifiés, tels qu’ils ressortent des résultats de l’enquête logement 2012".
Trop d'argent dépensé pour pas grand choseSelon la nature des besoins, "l’essentiel des efforts d’encouragement de production du logement social devait être consacré au segment à 140.000 DH, là où le besoin est avéré", précise le rapport. Mais, en termes de dépenses fiscales de l’Etat, collectivités locales et établissements publics, à fin juin 2015, le volume global des dépenses afférentes au type de logement à 250.000 DH est estimé à près de 14,9 milliards de dirhams, alors que celui consacré au produit à 140.000DH ne dépasse pas 574,80 millions de dirhams, poursuit le texte.
Pour chaque unité à 250.000DH produite et ayant reçu le certificat de conformité, la contribution publique est de près de 84.368,12 DH, contre 40.136,86 DH pour chaque unité à 140.000 DH, note le document. Le rapport met également l’accent sur l’absence de mécanismes de régulation de l’offre en logement social. En l’absence d’instruments de régulation, la mise en pratique des dispositifs de production du logement social a conduit à des déséquilibres spatiaux quant à leur production, souligne le texte.
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Ce déséquilibre, ajoute la même source, est "caractérisé par un effort financier considérable qu’il aurait été judicieux de réorienter vers d’autres régions ou vers le segment de logement à 140.000 DH, si des mécanismes de régulation de conventionnement inter-dispositifs et inter-régions ont été instaurés". Dans le même sillage, le rapport pointe du doigt l’insuffisance des mesures de ciblage et d’attribution de ces produits et "un manque de verrouillage susceptible de faire bénéficier les efforts financiers de l’Etat à la véritable catégorie pour laquelle le logement social a été instauré".
Peu ou pas d'intégration urbaineRappelant que la loi de finances de 2008 et la circulaire n°10247 précitée ont défini les conditions d’éligibilité pour bénéficier du produit à 140.000 DH, la Cour des compte constate que "ces conditions pour le cas des destinataires du produit à 250.000 DH n’ont été définies, selon l’article 7 de la loi de finances de 2010, que par un unique critère qui consiste à n’être propriétaire d’aucun logement". "Ce produit n’a de social que le nom qu’il porte, dans la mesure où les critères d’éligibilité n’ont pas été verrouillés afin de cibler les ménages à revenus faibles et irréguliers", explique-t-on.
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Les réalisations des dispositifs de production du logement social n’ont pas permis d’absorber de manière significative le déficit et le besoin en logements sociaux, relève le texte, ajoutant que ce besoin, qui est étroitement lié à la capacité de financement de la population destinataire, dépend des tranches de revenu de la population qui le compose. Le rapport révèle également les difficultés d’intégration urbaine des opérations de logement social.
Un chaos nommé villes nouvellesLes opérations de logement social, qui constituent une part importante du paysage urbain des villes, se développent en grande partie sur des terrains non couverts par des documents d’urbanisme homologués. Concernant la création des villes nouvelles, le rapport souligne qu’elles n’ont pas été entourées par des conditions juridiques, économiques, et de gouvernance permettant leur essor. "Les villes nouvelles et les nouveaux pôles urbains se heurtent à des problèmes d’insuffisances d’infrastructures de base et de connexion aux réseaux routiers, à même de compromettre leur valorisation future", a-t-il noté.
Le choix de la situation géographique de ces nouvelles créations urbaines (Tamesna, Tamensourt et Ras El Ma) "n’a pas été dicté par leur vocation économique, mais plutôt pour les opportunités foncières qu’ils présentaient»", fait observer le rapport.